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MICHEL-ANGE.


XXII

À messer Giovan Francesco Fattucci, à Rome.
Florence, 24 octobre 1525.0000

Je réponds à votre dernière. Les quatre statues projetées ne sont pas encore finies, et il y a beaucoup à faire (pour les tombeaux des Médicis à la chapelle de Saint-Laurent). Les quatre autres, qui représenteront les fleuves, ne sont pas commencées, parce qu’il n’y a pas de marbres pour elles [1]. Et pourtant ils étaient là. Je ne vous écris pas la raison pour laquelle ils ont disparu, parce que ce n’est pas mon affaire.

Quant au tombeau du pape Jules, il me plaît de faire une sépulture semblable à celle de Pio dans Saint-Pierre, comme vous me l’avez écrit, et je la ferai faire ici peu à peu, aujourd’hui un morceau et demain l’autre, et je la payerai de mon argent, puisque j’en ai une provision et que, comme vous dites, la maison me reste, — je veux dire la maison que j’habitais à Rome, avec les marbres et le mobilier qui en est resté. Je ne veux rien avoir à leur donner, — je veux parler des héritiers du pape Jules, — rien, dis-je, de ce que j’ai reçu pour ce tombeau, si ce n’est le tombeau lui-même. Il sera, dis-je, comme celui de Pio à Saint-Pierre. On y mettra le temps qu’il y faudra, et j’en ferai les statues moi-même. En m’appliquant aussi cette provision, comme j’ai déjà dit, je n’en mettrai pas moins au service du pape Clément les forces qui me restent. Elle sont faibles, parce que je suis vieux. Quoi qu’elles vaillent, elles m’aideront à affronter les dédains qu’on m’adresse. Avec elles, je puis encore beaucoup. Voilà plusieurs mois qu’on ne m’a pas laissé faire à ma guise. Il est impossible de travailler à une chose avec les mains et à une autre chose avec le cerveau, et surtout à un ouvrage de marbre. On dit, ici, que ces dédains sont faits pour m’éperonner ; et moi je dis que les éperons sont mauvais, quand ils font retourner en arrière. Voici l’année passée, et je n’ai pas touché encore ma pension : je me bats avec la pauvreté. Je suis bien seul à mes ennuis, et j’en ai tant qu’ils me tiennent plus occupé que l’art même.

0000(Arch. Buonarroti.)



XXIII

À mon cher ami Baptiste délia Palla [2], à Florence.
Venise, 15 septembre 1529.0000

J’ai quitté notre ville, comme je crois que vous l’avez appris, pour aller en France, et j’arrive à Venise. Je me suis informé du chemin, et l’on m’a

  1. De toutes ces statues, la sacristie de la chapelle Saint-Laurent, de Florence, ne contient que celle des deux tombeaux de Julien de Médicis, duc de Nemours, frère de Léon X, et de Laurent de Médicis, duc d’Urbin, neveu du même pape.
  2. Baptiste della Palla, correspondant artistique de François Ier, en Italie.