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MICHEL-ANGE.

m’y rendre avec la corde au cou, pour lui demander pardon. Alors il me donna à faire sa statue de bronze, haute d’environ 7 brasses. Quand il me demanda l’argent qu’il y faudrait, je lui répondis que je croyais pouvoir la fondre avec mille ducats, mais que ce n’était point là mon métier et que je ne voulais en prendre aucune obligation. Il me répondit : « Va, travaille et coule-la, jusqu’à ce qu’elle vienne à point, et je te donnerai tant que tu seras content. » Pour abréger, je vous dirai qu’on la coula deux fois et que, au bout de deux ans que j’avais passés là, je me trouvais avoir reçu quatre ducats et demi. De ce temps-là je n’eus pas autre paye, et, pour toutes les dépenses que j’y fis et les deux ans que j’y passai, on ne me compta que les mille ducats dont j’avais estimé la fusion. Cette somme me fut payée, en plusieurs fois, par Messer Antonio-Maria de Legnia(ma), de Bologne.

Quand j’eus placé la statue sur la façade de San-Petronio et que je fus de retour à Rome, le pape Jules ne voulut encore pas que je fisse sa sépulture, et il m’employa à peindre la voûte de Sixte. Nous fîmes contrat pour trois mille ducats. Les premiers dessins de ce travail furent les douze apôtres à figurer dans les lunettes, le reste de l’espace devant être rempli d’ornements comme on en use. Quand j’eus commencé ce travail, il me sembla que je faisais là pauvre chose, et je dis au pape comment, en faisant les Apôtres ainsi seuls, il me paraissait que je faisais pauvre chose. Il me demanda pourquoi. Je lui répondis : « Parce qu’ils furent pauvres, eux aussi ! » Alors il me donna nouvelle commission de faire ce que je voudrais et qui me satisferait, et de peindre aussi les sujets figurant dessous. En ce temps-là, la voûte étant à peu près finie, le pape retourna à Bologne. J’y allai aussi deux fois, pour l’argent que j’avais à en recevoir. Je ne fis donc rien et je perdis tout ce temps, jusqu’au retour à Rome. Revenu à Rome, je me mis à faire les cartons pour cette œuvre, — c’est-à-dire pour les têtes et pour les faces entourant la chapelle de Sixte, espérant toujours avoir de l’argent et finir le travail. Je ne pus jamais rien obtenir. Comme un jour, en compagnie de Messer Bernardo da Bibbiena et d’Attalente, je me plaignais de ne pouvoir rester à Rome, et que je n’avais plus qu’à aller chez… le bon Dieu, Messer Bernardo dit à Attalente qu’il lui rappelât cette affaire, car il voulait à toute force me faire donner de l’argent. Il me fit verser 2.000 ducats de la Chambre apostolique ; ce sont ceux qui, ajoutés au premier mille dont je payai les marbres, me mettent en compte pour le tombeau (du pape Jules), et j’estimais en mériter beaucoup plus, pour le temps perdu et pour l’ouvrage fait. Et même sur cesdits deniers, comme Messer Bernardo et Attalente avaient réussi à me les faire payer, je donnai à l’un 100 ducats et à l’autre 50.

Ensuite survint la mort du pape Jules. Au commencement du règne du pape Léon, (le cardinal) d’Agen [1] voulant agrandir le tombeau, c’est-à-dire faire œuvre plus importante que le dessin que j’avais d’abord présenté, on fit

  1. Léonard de la Rovère, neveu de Jules II, avait succédé à Galeas de la Rovère sur le siège d’Agen, dont celui-ci avait été évêque, de 1478 à 1487. Léonard occupa le siège d Agen, de 1487 à 1519, avec le titre cardinalice. Il érigea magnifiquement aux environs de la ville, à Hautefage, la tour octogonale qu’on y voit encore aujourd’hui, et il se fit inhumer à Saint-Just en Agénois, non loin de sa villégiature d’Hautefage. Son neveu Antoine de la Rovère lui succéda sur le siège épiscopal d’Agen, en 1519, et mourut prévôt de Turin dans cette ville, en 1538.