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ciles nos rapports avec lui. Quoiqu’il ait voyage par mer, et qu’il n’ait rien à regretter dans ce monde, lorsqu’il est dans le caïque, il craint toujours qu’une vague n’engloutisse sa triste vie ; rien n’est plus divertissant pour nous que ses terreurs. L’officier des Hellènes qui parle le turc, le grec moderne, un peu d’italien, peut nous servir d’interprète avec nos marins ; c’est un beau parleur comme la plupart des héros d’Homère ; lorsqu’il rencontre des Grecs, il ne manque pas de leur vanter la liberté dont on jouit en Morée ; il s’exprime assez librement sur le malheur qu’il y a de vivre sous le joug des Turcs ; les Turcs prennent à peine garde à lui, et son uniforme grec n’attire pas plus leur attention que son prosélytisme qu’il ne cherche point à dissimuler. Je ne vous parle pas de notre cuisinier Michel, ni, du sergent franc-comtois, qui ne doivent nous quitter que sur les rives du Bosphore, où l’un et l’autre ont donné rendez-vous à la fortune.

À peine avions-nous fait deux lieues de chemin, que le soleil s’est caché derrière les montagnes de la côte d’Europe ; bientôt la nuit nous a dérobé le spectacle des deux rives. Autour de nous, nous ne voyions plus que la mer brune et sombre, dont les vagues agitées montaient quelquefois dans notre caïque. À onze heures du soir, notre barque s’est abritée dans une anse, semblable à un petit port. Descendus à terre, nous nous sommes fait des lits