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francs n’ont point gardé tout-à-fait la neutralité, et ont paru prendre parti contre le pacha. Celui-ci, à qui la Porte dans ses instructions recommandait d’avoir les plus grands égards pour les consuls européens, s’est trouvé fort embarrassé et a supplié le consul russe de ne point porter ses plaintes à Constantinople ; il promettait d’arranger l’affaire à la satisfaction commune, et déjà il avait confié a la femme de son médecin la musulmane fugitive. À notre arrivée aux Dardanelles, tout le monde était dans l’attente d’une décision ; les vrais croyans, qui ont conservé leur fanatisme, criaient au scandale, et demandaient que la femme infidèle fût rendue à son mari qui seul avait le droit d’en faire justice. Dans tous les consulats, on exprimait le vœu que la femme fut reconduite dans le bâtiment grec ; le pacha, qui avait encore plus peur des consuls que des vrais croyans, à pris le parti que lui indiquaient les Européens, et tout s’est terminé par une circonstance que personne ne pouvait prévoir. La femme battue ayant été reconduite sur le navire d’où elle avait été enlevée, les Grecs du bâtiment, qui s’étaient montrés d’abord si hospitaliers, si compatissans pour elle, l’ont tellement maltraitée, tellement outragée, qu’elle a pris le parti de retourner auprès de son mari ; elle est rentrée, hier dans sa prison conjugale ; le consul russe est satisfait, et le pacha est tranquille.