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trompé la justice. J’ai questionné là-dessus le geôlier : je lui ai demandé quel était le sultan dont la justice avait été ainsi trompée, qu’elle avait été la dernière victime enfermée dans ce cachot ; il m’a répondu qu’il n’en savait rien, et qu’on ne le saurait qu’au jugement dernier. Je regrette que les vertus du pouvoir absolu soient aussi des mystères, car j’aurais eu quelque plaisir à vous les faire connaître en cette occasion : le despotisme qui se repent de ses rigueurs est un si bon exemple, même pour nos pays de liberté ! Une prison murée et maudite, parce que l’innocence y a gémi une fois, est un phénomène que je n’ai vu que dans la ville des sultans, et j’aurais voulu que le bruit put en retentir chez les peuples libres.

Cette prison de la Porte paraît avoir été bâtie du temps des Grecs ; elle ne ressemble pas du tout à celle du séraskier, ni à celle du bagne. J’avais été surpris de ne trouver personne dans les cachots et les chambres que nous venions de visiter ; j’ai demandé au geôlier où étaient ses prisonniers ; il nous a répondu que pour le moment il n’avait pour prisonniers que quelques femmes de mauvaise vie, enfermées dans un autre corps de bâtiment. Que vous dirai-je de ces cachots déserts, de ces chaînes suspendues, de ce geôlier réduit à la surveillance des murailles ! Je me rappelle avoir lu dans Claudien que, pendant les noces de Proserpine et de Pluton, aucune ombre ne traversa le Styx, et