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conservent encore le souvenir des missionnaires qui portaient des consolations aux prisonniers. J’ai voulu savoir si les Turcs avaient dans le bagne une mosquée, on m’a répondu que non ; l’islamisme ne va guère au-devant de ceux qui souffrent, et n’a point pour les captifs les tendres sollicitudes de la religion chrétienne.

J’étais accompagné d’un Français qui habite Péra, et qui a souvent visité le bagne et l’arsenal ; comment se fait-il, lui ai-je dit, que nous ne voyons personne au travail ? — Tous les travaux sont suspendus ; lorsque le capitan-pacha se repose, les forçats se reposent aussi ; quand on construisait des vaisseaux, ce lieu était un enfer ; la décadence et l’abandon de la marine en ont fait un paradis pour ceux qui l’habitent, surtout pour les Turcs. — J’ai demandé à mon guide s’il ne croyait pas que beaucoup d’innocens fussent confondus avec les coupables. Je crois comme vous, m’a-t-il répondu, que l’innocence a souvent habité ce séjour du crime ; mais si les prisonniers que renferme le bagne ont été condamnés avec précipitation et légèreté, ils ne portent pas du moins une marque infamante, cette marque qui ne s’efface jamais, et qui place éternellement hors de la société ceux que la justice n’a frappés que pour un temps. Dans ce pays, l’opinion ou la conscience du public ne s’associe pas à la justice humaine ; mais si elle ne préside pas à la décision des juges, elle n’ajoute pas