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voix beaucoup plus forte qu’ils ne l’ont aujourd’hui. C’est dans ce lieu que Darius traversa le Bosphore avec son armée, et qu’il fit bâtir un pont comme Xerxès entre Sestos et Abydos ; c’est là aussi, sur la côte d’Europe, qu’aborda Xénophon avec les dix mille qu’il avait ramenés des bords de l’Euphrate ; il est probable que les Croisés, les Goths et les Sarrasins passèrent aussi par cet endroit du canal.

Le voyageur ne regarde qu’avec effroi le château de Roumeli-Hissar, appelé dans ces derniers temps la tour de l’Oubli, parce qu’on n’en sortait plus lorsqu’on y était une fois enfermé. Les chevaliers de Malte, tombés au pouvoir des Musulmans, furent les premiers hôtes de cette triste demeure. On y enferma, dans la suite, les janissaires dévoués au dernier supplice. Un coup de canon annonçait, du haut des tours, qu’une tête était tombée. Les deux forts sont maintenant en ruines ; celui d’Asie (Ana doli Hissar.), donne son nom à un village bâti à peu de distance de ses murs crénelés, et celui d’Europe, dominé par un cimetière pittoresque, semble n’être resté là que pour ajouter à la variété du paysage. Le château de la rive asiatique fut l’ouvrage de l’aïeul de Mahomet II ; le château d’Europe fut bâti par ce dernier, dans l’année même où il s’empara de Bysance. Quelques mois suffirent pour élever cette forteresse. Les grands de l’empire portèrent eux-mêmes les matériaux ; on démolit une