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noyers, des ormes, des charmes et des chênes-verts du milieu desquels s’élance parfois le peuplier semblable à un long minaret. On montre sur les hauteurs de Buyuk-Déré, près d’un kiosque appartenant à l’internonce d’Autriche, quelques restes d’un temple de Vénus, car vous savez que Vénus avait jadis plusieurs sanctuaires sur les bords du Bosphore. Si la déesse des amours a perdu ses autels, elle n’a pas perdu pour cela ses adorateurs, elle est assurément la seule divinité des temps antiques dont le culte ici n’ait point dégénéré. Je rencontre quelquefois aux bords de la mer des groupes de filles grecques dont la beauté rappelle les grâces tant célébrées par les poètes anciens ; il faut assister à leurs danses, la nuit dans l’intérieur des maisons, le jour sur le gazon de la belle vallée ; à voir tant de charmes et d’éclat mêlé à tant de noblesse, on dirait les vierges du Pinde, se tenant par la main dans le temple d’Apollon ou dans les vallons sacrés, on dirait aussi une de ces théories qui se rendaient aux fêtes de Délos. Tandis que les nations et les royaumes se sont succédé, tandis que les religions, les mœurs, les lois se sont effacées sur le chemin des siècles, mille générations de jeunes filles ont conservé la Romaïka, la danse de Flore, de Cérès et de Pomone.

Cette population grecque, si insouciante et si joyeuse, était, il y a peu d’années encore, souvent troublée dans ses fêtes par la subite appari-