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en sa présence, n’osait contempler la face de son maître. Le souverain et le peuple sont ici comme deux personnes qui auraient quelques raisons pour ne pas se reconnaître en public.

Bientôt nous avons entendu dans la mosquée des voix traînantes qui murmuraient quelques versets du Coran. Pendant que l’ombre de Dieu faisait son namaz, une scène étrange se passait à peu de distance de la mosquée. Une troupe de femmes et d’enfans se débattait dans les eaux du Bosphore ; la foule était grande au bord du canal, je n’ai pu m’en approcher et j’ai seulement entendu les gémissemens des victimes. Ces femmes et ces enfans appartenaient à un petit village grec des environs dont on a doublé le karatch ; ils étaient venus présenter une pétition au grand-seigneur et n’avaient pu parvenir jusqu’à lui. Les soldats avaient repoussé ces pauvres gens dans la mer, de peur sans doute que le sultan ne vînt à savoir qu’il y a des malheureux dans son Empire. Au moment où Mahmoud sortait de la mosquée, j’ai vu que les femmes et les enfans avaient été retirés des eaux, et que des tchiaoux les chassaient devant eux à coup de bâton ; il est probable que le sultan aura tout ignoré ; mais si de pareilles atrocités peuvent se commettre impunément à deux pas du souverain, que doit-il donc se passer dans les terres éloignées ? Ici, comme ailleurs, il y a de bonnes, gens qui croient que les changemens et les révolutions mè-