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sont que des témoins indifférens ? Que dis-je ? combien de rayas, toujours accablés sous le même joug, regrettent ces temps de troubles où les fréquentes révoltes des janissaires les fesaient oublier de la tyrannie ! Il n’est que trop certain que le sultan ne parviendra jamais à rapprocher toutes ces nations, à les diriger dans la même voie, à leur donner une même pensée ; s’il tend sa main secourable à un peuple qui souffre, il mécontente les autres : au milieu de ces nations rivales, il lui est plus facile de les opprimer toutes que d’en favoriser une seule ; l’intention qu’il a montrée d’adoucir les misères des Grecs, lui a fait perdre sa popularité parmi les Turcs. De leur côté, les Grecs ne s’intéressent pas à des réformes qui ne peuvent rien changer à leur sort. Le véritable despotisme pour les Grecs, c’est la présence des Osmanlis ; leur liberté, ce serait l’expulsion des Turcs en Asie. Que doit-on attendre de ces antipathies réciproques, si ce n’est des scènes violentes et de sanglantes catastrophes au milieu desquelles s’achèvera peut-être la ruine d’un grand empire ?

P. S. Je viens d’avoir la fièvre, mais j’en ai été quitte pour quelques accès ; je suis allé passer quelques jours chez le bon général Guilleminot ; et me voilà tout-à-fait guéri. M. Poujoulat, qui avait pris la fièvre dans les souterrains de Cisyque, est plus malade que moi ; les médecins l’ont envoyé à Thérapia, d’où il m’écrit une lettre, que je joins ici.