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pas ce qui se passe dans le pays qu’ils habitent ; ils sont dans le paradis, aux grandes Indes, je ne sais où. Comment se faire une idée des sensations, des joies, des enivremens qu’ils éprouvent. C’est ici qu’il faudrait inviter un amateur d’opium à nous donner ses mémoires : peut-être y trouverait-on des romans tout faits, et moins tristes que les nôtres. Dans le temps où les principaux cafés de Stamboul ont été détruits, on a respecté ceux des thériakites ; un gouvernement, quel qu’il soit, n’a pas beaucoup à craindre de ceux qui rêvent pour leur propre compte, qui rêvent leur propre félicité ; il craint davantage ceux qui rêvent pour le compte des autres, et dont les rêveries habituelles se portent sur la félicité des peuples. Le sultan d’ailleurs afferme la vente et la distribution de l’opium ; les thériakites deviennent ainsi ses tributaires, et chacune de leurs extases ou de leurs voluptés imaginaires rapporte de l’argent au fisc impérial. Je dois ajouter que le goût de l’opium est maintenant moins répandu qu’autrefois, soit que le goût et l’usage du vin l’aient remplacé, soit que le mépris public en ait fait justice. L’usage de l’opium, m’a-t-on dit, est encore répandu dans les harems ; on en fait des pastilles que les femmes se donnent entre elles, et qu’elles, donnent à leurs maris ou à leurs amans comme une preuve de leur tendresse et de leur passion.

Je ne vous aurais pas fait connaître tous les ha-