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marbres et les pierres funèbres ; près de là est un kiosque où chacun pouvait allumer son chibouk et boire la liqueur de moka. D’un côté, je voyais des soldats alignés par un caporal et s’exerçant à la discipline européenne, de l’autre des figures silencieuses et immobiles, tournées vers le canal du Bosphore et regardant la rive de Scutari. Des chanteurs, des baladins, des marchands de gâteaux, des sakas ou porteurs d’eau, avec leurs sacs de cuir, traversaient la foule. Non loin du cimetière des Arméniens, au bas d’une caserne, on aperçoit une vaste forêt de cyprès, c’est le cimetière des Turcs où personne ne se promène. À peu de distance des tombes arméniennes, vers le nord, s’étend un long espace de terre où l’œil ne découvre aucun arbre, pas un brin d’herbe, pas une trace de l’homme ; cette solitude à côté d’une grande ville et si près d’un lieu où tout le monde paraît s’amuser, a quelque chose qui vous attriste, encore plus que l’aspect des sépultures. Voilà le premier spectacle que j’ai eu sous les yeux en arrivant à Stamboul ; voilà ce qu’on appelle parmi les Francs la promenade de Péra ou le grand Champ des Morts.

Je vous ai parlé des arabats dans lesquels on ne voit que des femmes et des enfans ; les gens riches ont aussi des voitures à peu près semblables, peintes en rouge et grillées comme les balcons des maisons turques ; ces voitures sont à l’usage des harems. Les habitans de Stamboul ne voyagent