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J’aurais pu me dispenser de vous parler de toutes 
ces ruines de Constantinople, car beaucoup de
 voyageurs [1] les ont décrites ; mais j’ai pensé qu’il 
n’était pas inutile de constater leur état présent.
 Elles changent et dépérissent chaque jour ; déjà
 plusieurs monumens, qui avaient été observés dans
 les dix-septième et dix-huitième siècles, ont disparu ; ceux qui existent encore pourront bientôt
 disparaître à leur tour, et je serai peut-être le dernier voyageur qui les aura vus. Voilà donc ce que 
deviennent les ouvrages de l’homme ! Il est triste de 
le savoir ; mais notre espèce humaine a l’esprit si bien 
fait, qu’elle ne voit que le beau côté des choses, et 
sans songer à ce que le temps a tout-à-fait détruit, 
elle trouve toujours le moyen de s’admirer dans ce
 qui reste. J’ai pensé, mon cher ami, que vous étiez
 fait comme tout le monde, et j’ai voulu vous donner le plaisir des ruines, lorsqu’il en est encore
 temps.

Je n’ai point vu les anciennes citernes de Bysance ; 
 la plupart sont comblées ; celle que les Turcs appellent la citerne des Mille-Colonnes, renferme aujourd’hui une filature de soie. Les Osmanlis n’ont rien fait pour la conservation de ces impenses réservoirs : on ne reconnaît pas là le caractère d’un

  1. M. Lechevalier, qui nous avait montré l’emplacement d’Ilion, nous a 
servi aussi de guide pour les ruines de Constantinople ; il est celui de tous 
les voyageurs modernes qui a le mieux étudié ce qui reste de la ville de Constantin. On a souvent profité de ses recherches sans le citer.