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fille sont restées debout pour nous servir. Le vin de Cisyque n’a pas été épargnée et nous ne l’avons pas trouvé inférieur à celui de Ténédos. Le primat nous a dit qu’il était hadji ou pélerin de Jérusalem, ce qui est un titre de considération parmi les Grecs et même parmi les Turcs ; notre conversation a principalement roulé sur Artaki, sur les mœurs et le gouvernement du pays. Notre hôte est un des principaux propriétaires d’Artaki ; il a une famille intéressante ; néanmoins il paraissait triste, et lorsque notre sergent lui a parlé de la Morée, des larmes ont coulé de ses yeux. Le sergent de Capo d’Istria, qui ne demandait pas mieux que de faire des prosélites à son gouvernement, a conseillé au primat de vendre ses biens à Artaki, et de se rendre avec sa famille dans la Grèce régénérée ; le pauvre primât ne semblait que trop disposé à écouter ce conseil ; j’ai cherché à l’en détourner ; — pourquoi vendriez-vous vos propriétés, dont vous ne retirerez pas la moitié de ce qu’elles valent, pour aller dans un pays que vous ne connaissez pas ? Il y a dans le monde si peu de révolutions qui aient réussi ! Que de Grecs vont quitté le pays qu’ils habitaient, où ils n’étaient pas trop malheureux, pour ne trouver dans la Grèce que la misère et le désespoir ! — Le primât trouvait quelque chose de vrai dans mes observations, mais la Morée le préoccupait toujours ; comme je lui avais parlé du cadi qui paraissait l’estimer et des réformes de sultan Mahmoud, le cadi, m’a–t-il