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de Kara-Boha, et à un mille de la mer. La nuit commençait à tomber, les derniers feux du jour éclairaient l’horizon, on distinguait à peine la verdure foncée des joncs et des roseaux ; autour de cette onde immobile et croupissante, on ne voit rien qui annonce la présence d’un fleuve, point d’oiseaux qui chantent dans l’ombre, point de zéphir qui murmure à travers les arbres ; nous ne voyons partout qu’une terre humide et grisâtre au milieu de laquelle croissent l’asphodèle et quelques bouquets de tamarise, nous n’entendions que le croassement des grenouilles et le canard sauvage battant l’eau de ses ailes : nous éprouvions à ce spectacle quelque chose de la mélancolie qu’inspirent les ruines. Comment peut-on voir en effet sans quelque tristesse ce frère du Simoïs, ce Granique si plein de gloire, disparaître et s’abimer ainsi dans un marais sans nom ? J’aurais voulu remonter le fleuve, au moins à quelque distance des étangs, et voir cette belle plaine d’Astarté qu’il traverse dans son cours. C’est dans cette plaine que se livra la première bataille des Macédoniens et des Perses. M. Landern, consul anglais aux Dardanelles, qui a parcouru ce pays en voyageur éclairé, m’avait donné de précieux renseignemens dont j’aurais profité dans ma course. Il a remonté le lit du neuve jusqu’au lieu où s’élève un pont de pierre ; il pense que ce fut dans cet endroit qu’Alexandre passa le Granique et défit l’armée de Darius. Les rivages y sont très-élevés, et le