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voure pour la cause de l’indépendance. Cette milice exige le prix de ses services avec un esprit d’orgueil qui pourrait passer pour de la révolte. Ils refusent de se soumettre à la nouvelle discipline ; et, quoiqu’ils reçoivent une paie, ils dédaignent de paraître sous les drapeaux. Ainsi la révolution grecque a aussi ses janissaires, dont il faudra subir les violences, ou qu’il faudra détruire par la force.

Tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai appris des mœurs politiques de ce pays m’a rappelé l’éloquent tableau que retrace Thucydide, d’une époque plus glorieuse que le temps présent, mais non moins féconde en désastres. « La guerre, dit l’historien, avait donné aux Grecs des leçons de violence, et les mœurs des citoyens étaient devenues conformes à l’âpreté des temps… L’homme violent était un homme sûr, celui qui le contrariait un homme suspect ; dresser des embûches et réussir, c’était avoir de l’esprit ; les prévenir, c’était en avoir davantage ; être le premier à faire du mal à ceux de qui on pouvait en attendre, c’était mériter des éloges ; on en recevait aussi, quand on savait exciter à nuire celui qui n’y songeait pas. Les uns, sous le prétexte de la liberté du peuple, les autres, sous celui d’une aristocratie modérée, affectaient de ne consulter que le bien de la patrie ; mais elle-même était en effet le prix qu’ils se disputaient. Dans leurs luttes réciproques, pour l’emporter les uns sur les autres par quelque moyen que ce fût, il