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s’écriaient d’un ton lamentable Christos, Christos, Francese, bono Francese. Ils avaient la tête rasée tout autour, et quelques tresses de cheveux pendaient sur leurs épaules ; leurs vêtemens étaient sales et déchirés, leur barbe dégoûtante. Un de ces vieillards avait un violon noir à demi brisé, et promenait au hasard un mauvais archet sur des cordes détendues. Les enfans étaient presque nus, couverts d’ordure et brûlés par le soleil. La voix aigre et glapissante des jeunes mendians, les cris des vieillards, mêlés au son d’un instrument barbare, formaient un concert qui déchirait à la fois le cœur et les oreilles. Nous avons détourné nos regards de ce triste spectacle, en jetant quelques pièces de monnaie dans les barques de ces pauvres Grecs.

La mendicité est la lèpre de toutes les vieilles sociétés qu’on s’efforce inutilement de rajeunir. La civilisation ne guérit pas le mal ; mais elle parvient à le cacher. Je me rappelle qu’au moment où nous avons quitté Paris, il n’y était question que d’extirper la mendicité, ou plutôt de la dérober aux regards du public. La charité, à cet égard, était si ardente, que la police et ses gendarmes poursuivaient les pauvres dans les rues pour leur faire accepter les bienfaits de l’hospitalité. J’ai jugé, d’après la visite que nous venions d’avoir, qu’on n’en est pas encore là à Napoli de Romanie.

Nous étions impatiens d’aller à terre ; nous