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quefois sur la rive une cruche d’huile, un vase rempli de vin, un boisseau de farine ; après avoir ainsi déposé leur offrande, ils poursuivent leur route, persuadés qu’un génie bienfaisant protège leur navigation.

En relisant les chroniques du maréchal de Champagne, je retrouve, dans ces parages, un souvenir des Croisades. La flotte de Venise, qui portait les croisés de la Flandre et de la Champagne à Constantinople, était partie de Corfou ; elle avait passé devant Navarin et devant Modon, ; elle avait doublé, comme nous, le cap Ténare et le cap Malé. Ce fut en présence du cap Malé qu’elle rencontra des pélerins qui revenaient de la Terre-Sainte. Elle présentait alors un aspect si redoutable, que deux de ces pèlerins descendirent de leur navire avec des cordes, et laissant au capitaine tout ce qu’ils avaient, lui dirent : « Nous allons prendre parti avec ces hommes, car, ils vont faire de grandes choses. » Les Croisés, qui marchaient ainsi à la conquête de l’Orient, côtoyaient les rivages du Péloponèse sans rien connaître de l’histoire de ce pays, et sans prévoir surtout que leurs victoires futures allaient changer les destinées de la Grèce et de toutes les îles.

En doublant le cap Malé nous avions à notre droite l’île de Cérigo, de Cythère. D’un côté l’histoire de la, navigation nous offrait ses plus terribles souvenirs, et, de l’autre, la mythologie ses fables