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et les lois de ce pays ; voilà deux femmes enlevées à leur famille et vendues à un corsaire, sans que la loi prononce aucune peine ; si on eut seulement tenté de les séduire, on était puni de mort. La société, chez les Maniotes, repousse de son sein celui qui a séduit une femme ou une fille, même avec l’intention de l’épouser ; le coupable n’a plus d’asile dans son pays et tout le monde a le droit de le tuer, jusqu’à ce qu’il ait satisfait à des conditions qu’il ne peut pas toujours remplir. L’épouse adultère est condamnée à perdre la vie, et doit mourir de la main même d’un de ses proches ; ces lois subsistent encore aujourd’hui dans toute leur rigueur. Ainsi, pour réprimer le vice, on outrage l’humanité, et les lois ont voulu que chez ce peuple tout fut barbare jusqu’à la vertu.

Telles sont, en général, les mœurs des Maniotes. Leur fierté, opiniâtre et leur bravoure indomptable ont fait quelquefois oublier leur barbarie ; il faut leur savoir gré d’avoir résisté comme ils l’ont fait, à la domination des Ottomans ; ils montrent encore dans certaines gorges de leurs montagnes les ossemens blanchis des Turcs, à peu près comme les Suisses montrent les ossemens des Bourguignons à Morat. Cette bravoure patriotique mérite des éloges, mais elle ne peut suppléer, chez les Maniotes, au vertus qui leur manquent. Les temps où nous avons vécu ne nous ont que trop disposés à voir dans la violence je ne sais quoi d’héroï-