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ne compte les hommes que par le nombre des fusils ; chacune de leurs habitations est crénelée ; ils fortifient les grottes qu’ils choisissent pour retraites ; quand ils n’ont point d’expédition à faire sur la mer, ils se font la guerre entr’eux. On se bat de maison à maison, de caverne à caverne ; la religion seule a pu suspendre pendant certain temps leurs sanglantes querelles, et la trève de Dieu qu’ils ont sans doute empruntée aux Francs du moyen-âge, y défend toute hostilité depuis le samedi après l’angelus jusqu’au lundi après la messe.

Le plus grand trafic des Maniotes était autrefois celui des esclaves. Ils faisaient des prisonniers sur toutes les nations ; ils enlevaient des Chrétiens qu’ils vendaient aux Turcs et prenaient des Turcs qu’ils vendaient aux Chrétiens. Ce genre, de commerce est tombé, faute d’acheteurs ; mais il n’est pas sûr que l’humanité y ait gagné, car si on n’a plus rien à craindre pour sa liberté, on doit encore trembler pour sa vie. Dans le temps que les Cacovouniotes vendaient des esclaves, il leur arrivait quelquefois de vendre leurs voisins et leurs proches. Un ancien voyageur, qui avait séjourné dans le pays, nous raconte à ce sujet une anecdote dont je veux égayer mon récit. Deux capitaines de corsaires, Anapliotis et Théodoro s’étaient brouillés, comme cela leur arrivait souvent, pour le partage du butin. Après plusieurs menaces de part et d’autre, chacun d’eux cherche à se venger d’une manière éclatante,