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M. Bory de Saint-Vincent, qui a bien étudié ce pays nous a donné des renseignemens peu connus sur le caractère et la politique des chefs qui le gouvernent. Plusieurs des capitaines et des heptarkes qui se partagent le territoire du Magne, ont commis tant d’excès, ont soulevé contr’eux tant de haines qu’ils osent à peine se montrer en public ; les plus puissans et les plus redoutés restent enfermés dans leurs forteresses, et vivent en proie à toutes les sollicitudes qui empoisonnent la vie des tyrans.

À mesure qu’on avance le long de la rive, on n’apperçoit que d’affreux précipices un terrein hérissé de pointes rochereuses, des sommets nus et arides. La perspective sauvage de ces montagnes semble avertir le voyageur que, s’il y a là des hommes, il faut en redouter l’approche, car la misère les poursuit, et doit les mettre en guerre avec tout le monde. Ne serait-il pas possible de reconnaître les passions violentes des Maniotes, par le seul aspect de la terre qu’ils habitent, comme on reconnait quelquefois les passions humaines, d’après la physionomie et les formes extérieures de l’homme ? En voyant les récits et les criques dont la côte est semée, en voyant une terre dépouillée de toute végétation, on peut dire : C’est ici que sont les pirates, et que se forment les sinistres complots contre la sureté des navigateurs. Lorsqu’on approche du cap Ténare, le pays devient plus horrible à voir partout des fondrières, creusées par les eaux des pluies,