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sur ce point ; car, après la conquête des Turcs, ils ont tout souffert plutôt que d’abandonner leurs foyers ; on peut dire qu’ils ont tenu à leur patrie ; désolée par toutes sortes de fléaux ; comme notre pauvre humanité tient à cette vallée de larmes, qu’on appelle la vie. Il faut louer pour cela leur résignation et leur courage.

Lorsqu’on songe à la population presque entièrement renouvelée de toutes les cotes de la Grèce, on regrette de ne pas trouver, parmi ses nouveaux habitans, quelques colons, quelques hommes capables de cultiver les terres ; voilà les hommes qu’il faudrait au pays ; mais tous ceux qui arrivent n’apportent qu’une industrie stérile et ne sont poussés que par le besoin de vivre aux dépens d’autrui. Tous les habitans sont marchands ou brocanteurs ; tous ces marchands, les Grecs comme les autres, n’aspirent qu’à faire passer dans leur bourse la paie de nos soldats, et ne voient dans leurs libérateurs que des étrangers avec lesquels ils peuvent s’enrichir ou tout au moins gagner quelques piastres. Quant aux militaires français, ils sont tristes et taciturnes, ce qui contraste singulièrement avec l’idée qu’on se fait en France du bonheur qu’il y a de vivre sous le beau ciel de la Grèce. Les lettres qu’on leur adresse de leur pays sont remplies de félicitations et d’expressions qui annoncent qu’on porte envie à leur sort. Leurs réponses seraient sans doute fort curieuses à lire car elles doivent être pleines de