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avaient séjourné dans la tente des Musulmans, ne pouvait retrouver sa place, ni dans la patrie, ni dans la famille : les opinions, les préjugés, les lois, tout la repoussait. Vous devez donc penser qu’elles ont bien plus cédé à la nécessité qu’à leur penchant. Des gens, très-dignes de foi, m’ont dit que plusieurs de ces victimes innocentes de la guerre sont mortes de désespoir dans les harems d’Alexandrie et du Caire.

J’éprouve une véritable satisfaction à réparer ici, autant qu’il est en moi, l’injustice des jugemens humains. Autrefois, les chevaliers parcouraient le monde pour venger l’honneur des dames et pour les délivrer de leurs oppresseurs. Je ne me suis pas donné cette honorable mission ; ma courtoisie ne peut aller aussi loin que celle des chevaliers errans mais comment ne romprais-je pas une lance pour de pauvres captives qu’on a calomniées ! Plus j’étudie les sociétés humaines, plus je vois qu’il y a souvent, dans sa destinée des femmes, quelque chose qui ressemble à la fatalité des anciens. Combien de malheurs dans leur vie, qu’elles ne pouvaient éviter, et qu’elles sont condamnées à expier comme on expie des torts ou des fautes graves !

Modon n’est qu’à deux lieues de Navarin. Nous avons fait hier une promenade, de ce côté-là. On marche d’abord entre deux montagnes assez élevées. Le chemin, réparé par les Français, en plu-