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douter un moment de leur état d’humiliation et de servitude. À peine les Grecs de Kounkalé osent-ils demander ce qui se passe aujourd’hui dans la Grèce, et porter leurs regards vers le pavillon de Capo-Distrias qui, de temps en temps, montre sa croix et sa couleur bleu de ciel sur l’Hellespont.

Nous parlions souvent aux Turcs des réformes de Mahmoudh ; ils ne disaient rien. La révolution réussira-t-elle ? Mahmoudh est-il un grand prince ? Dieu le sait. C’étaient là toutes leurs réponses. Ils y a de quoi s’étonner de voir le silence au milieu duquel marchent les évéhemens d’Orient, tandis que dans notre Europe, les partis s’agitent avec tant de fracas. Nous avons, en face de notre logement, un café où se rendent les notables de Kounkalé ; on les voit arriver armés de leur longue pipe, portant les feuilles de la plante parfumée dans un sac de cuir ou d’étoffe pendu à leur côté. Chacun va s’accroupir sur une estrade : tout le monde garde le plus profond silence, et personne ne songe à demander ce qu’il y a de nouveau. Quelle différence avec nos cafés de Paris et même de nos provinces, où chacun se passionne pour la nouvelle du jour, où les opinions se croisent et s’échauffent les unes par les autres, où tout devient un sujet d’agitation et de conversations bruyantes. Je ne crois pas que la déesse aux cent voix soit jamais entrée dans un café turc ; le silencieux osmanli ne parait pas plus s’inquiéter de ce qui peut