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Je suis monté au château, que le feu du ciel a fait sauter l’année dernière, et qui ne présente plus qu’un amas de décombres. Deux ou trois artilleurs français que j’y ai trouvés sont là comme les gardiens des ruines. À voir leur physionomie triste et, morne, on se croirait au lendemain du désastre. Je leur ai adressé quelques questions sur le fort : ils m’ont interrogé à leur tour sur la France ; ils se plaignent d’être abandonnés à Navarin, comme sur une terre d’exil.

Au pied du château du côté de la mer, on voit encore aujourd’hui la petite cité de Navarin, que ses habitans ont désertée. J’y ai vu, pour la première fois, une mosquée ou sanctuaire musulman : elle sert de magasin de farine, j’ai visité des maisons turques je suis entré dans des chambres qu’on appelait des harems ; elles n’ont plus que les quatre murailles ; les fenêtres, les portes, tout est ouvert ; l’araignée y file partout sa toile et n’a plus rien à craindre que la présence de quelques curieux. Les remparts qui gardent cette enceinte solitaire sont restés debout ; ils seront bientôt détruits à leur tour, car on en prend les pierres, pour reconstruire le fort. Dans quelques mois, il ne restera plus rien de cette misérable bourgade, qui donnait son nom à la rade, et les étrangers se demanderont où elle était bâtie. Il faut donc se hâter de dire qu’elle domine l’entrée de la baie, qu’elle fut construite, par les Turcs dans l’année 1752, que les Russes y