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Quels spectacles pour enflammer l’imagination et réchauffer l’enthousiasme d’un grand poète ! que de merveilles l’auteur de l’Énéide ne devait-il pas ajouter au chef-d’œuvre que les Muses d’Italie lui avaient inspiré ! Sans vouloir pénétrer ce que le génie a quelquefois de mystérieux dans ses desseins, ne serait-il pas permis de croire que Virgile mourant avait condamné son poème parce qu’il revenait de son voyage avec des inspirations nouvelles, et que le beau ciel de la Grèce et de l’Ionie lui avait donné l’idée d’une épopée plus parfaite ? L’Énéide fût sauvée des flammes, malgré la sentence du poète. Mais qui pouvait sauver ces nouveaux trésors de poésie que le chantre d’Énée apportait d’Orient, et dont il devait enrichir son poème immortel ? Pour moi, pauvre voyageur que je suis, j’ose à peine, après cela, vous parler des courses que j’entreprends pour améliorer mon faible ouvrage et pour mettre un peu plus de clarté et d’exactitude dans un récit simple et modeste de nos guerres d’outre-mer !

Nous avons passé deux jours sans voir la terre, ce qui arrive rarement dans la Méditerranée. En suivant notre route sur la carte, nous avions au nord l’île de Corfou cette île des Phéaciens ; où le sage Ulysse fut reçu par le roi Alcinous ; où plus de deux mille ans après des guerriers français et vénitiens se réunirent sous les drapeaux de la Croix, et jurèrent de marcher tous ensemble à la conquête