Page:Michaud - Poujoulat - Correspondance d’Orient, 1830-1831, tome 1.djvu/347

Cette page n’a pas encore été corrigée

plaisir en français notre cuisinier Michel menaçait les Turcs dans sa langue maternelle ; Dimitri et le chamelier se disaient les plus grosses injures en turc ; tout cela se passait à onze heures du soir, dans un lieu désert, à trois lieues du cap Lectos, au pied des chaînes du Gargare. Les gémissemens des chacals se mêlaient aux voix discordantes de la caravane, et l’âne qui marchait en tête s’était mis à braire de toutes ses forces. Nous marchions toujours au milieu d’un vacarme que répétaient les échos des montagnes ; à la fin, nous nous sommes arrêtés auprès d’un-puits ; le chamelier a consenti à faire halte ; on a déchargé les chameaux, on a ôté à nos chevaux leurs bats ou leurs selles ; tous les animaux de la caravane se sont mis à paître dans les bruyères. Pour nous, nous n’avions aucune provision, croyant en trouver dans le village où nous devions nous arrêter. On se moque quelquefois des voyageurs qui racontent en détail ce qu’ils ont mangé à leur dîner ou à leur souper mais on ne saurait rire de ceux qui sont près de mourir de faim, et c’est ce qui nous est arrivé à la lettre. Pour comble de malheur, l’eau du puits était une sorte d’eau minérale fort mauvaise à boire. Je me suis couché tristement sous un olivier qui était près de là. M. PoujouIat, Antoine et nos compagnons de voyage se sont étendus sous un arbre voisin et sans trop savoir où nous étions, nous avons passé la nuit comme nous avons pu.