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rient ; quand nous leur parlions de Molivo ou de Pétra, ils se tournaient du côté de l’ouest. Vous pensez bien que nous n’avons pas beaucoup profité de cette leçon de géographie. Comme la chaleur devenait excessive, et que l’ombre des arbres ne pouvait nous en garantir, nous sommes entrés dans la cabane musulmane. Bientôt sont arrivés nos pourvoyeurs qui nous ont apporté une cruche de vin et la moitié d’un mouton rôti qu’ils avaient trouvés par miracle au village d’Érisso. Nous nous sommes rangés en cercle sur le plancher autour de ces provisions, et les deux Turcs se sont assis à notre banquet. Quoique le vin de Lesbos ne mérite plus la réputation qu’il avait au temps d’Aristote, tous les convives et les musulmans eux-mêmes ne l’ont point dédaigné ;, et le vase d’argile, rempli de cette liqueur, a fait plusieurs fois le tour du festin.

Après le diner, on est venu nous dire que deux Grecs de Smyrne, passagers de l’Erminio, et un matelot de notre bord’ s’étaient introduits dans la maison de la femme abandonnée. À cette nouvelle, nous avons vu changer tout à coup le visage de nos hôtes musulmans. Ces mêmes hommes qui, un instant auparavant, riaient avec nous et savouraient le vin de Lesbos, ont pris une physionomie sombre et menaçante. Ils ne pouvaient supporter l’idée qu’une femme turque reçut la visite des chrétiens. Tous deux nous ont fait signe de retourner à notre bord, et se sont précipités hors de la maison pour