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ne dura pas long-temps ; car Richard ne tarda pas à se brouiller avec le roi de Sicile et avec le roi de France. Dans ses démêlés, il menaça plusieurs fois Messine de la prendre d’assaut ; et pour contenir les habitans, il fit bâtir le château de Mattegriffons qui existe encore au-dessus de la ville.

Ce fut alors que commencèrent pour la Sicile ces temps de révolutions qui la firent si souvent changer de maitre, et détruisirent à la fin les sources de sa prospérité. Pour connaître les richesses que possédait ce pays, au douzième siècle, il vous suffira de savoir à quelles conditions le monarque sicilien put acheter l’amitié ou plutôt le départ du roi d’Angleterre. Richard exigeait qu’on lui donnât une table d’or de douze pieds de long et d’un pied et demi de large, une tente de soie où deux cents guerriers pourraient s’asseoir ; quatre-vingts coupes d’argent, quatre-vingts disques d’argent, soixante charges de froment, soixante d’orge, soixante de vin, deux cents navires armés avec tout leur appareil, et des vivres pour deux ans. Jamais la victoire ne se montra plus exigeante. Mais quelles devaient être les ressources d’un pays à qui on imposait de pareilles conditions, et qui pouvait les remplir ? Les choses ont bien changé depuis cette époque ; on vendrait aujourd’hui Messine, Syracuse et Palerme, qu’on en retirerait pas la moitié des trésors emportés par Richard.