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Pythagore ; mais j’espère que, dans le cours de notre voyage, nous aurons occasion de voir de plus près la terre des Samiens.

La nuit a mis fin a nos promenades autour de Néopolis, et le lendemain, 28 juin, au lever du soleil, j’ai pris congé de mon hôte pour revenir sur le chemin d’Éphèse. Nous avons laissé la route du bord de la mer, et nous nous sommes enfoncés dans les montagnes, à travers des sentiers difficiles et périlleux, où nos chevaux pouvaient à peine passer. Au bout de deux heures de marche, nous sommes arrivés dans une vallée appelée par les Turcs Arvanler où paissaient des troupeaux de bœufs, gardés par deux jeunes nègres presque nus, armés d’un énorme bâton de chêne. Nous avons déjeuné dans cette vallée à l’ombre d’un grand platane, à côté d’une source. Les deux pâtres, s’étant aperçus des préparatifs du repas, se sont avancés vers nous et se sont posés près de, moi, debout et immobiles, appuyés sur leur bâton. Ils étaient d’une effrayante maigreur ; leurs yeux enfoncés dans l’orbite avaient perdu leur éclat et jusqu’à leur mobilité, semblables à deux rayons éclipsés la peau noire de leur corps était sèche et brûlée leur bouche à demi ouverte laissait entrevoir des dents blanches qui ajoutaient encore à la sauvagerie de leurs traits ; c’étaient deux spectres. J’ai partagé avec eux le pain grossier que j’avais emporté de Scala-Nova ; à mesure qu’il dévoraient ce