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chassez, il en viendra d’autres qui sont à jeun et que je serais obligés de nourrir des restes de mon sang.

II faut dire aussi que la place de gouverneur ou de mutzelin de Smyrne n’est pas aujourd’hui sans difficulté et sans péril pour celui qui l’occupe. Il a neuf ou dix ans qu’un mutzelin de cette ville fut étranglé pour s’être montré trop favorable aux Francs et aux chrétiens ; celui qui lui a succédé vient d’être envoyé à Chio pour avoir persécuté les Grecs et déplu aux Russes. Entre ces deux écueils, la ligne n’est pas aisée à suivre, et ce n’est pas un petit embarras que d’avoir à satisfaire tout à la fois les exigeances de la civilisation européenne et le fanatisme de la barbarie musulmane.

Le nouveau mutzelin nous a reçus avec toutes les démonstrations de la politesse. Dans sa conversation avec le ccmsul fraçais, il a affecté de parler persan ; c’est chez les Turcs la langue de la bonne compagnie comme la langue française en Europe. M. le baron de Nerciat, premier drogman du consulat français, qui parle très-bien la langue persane, a été notre interprète. La conversation n’a roulé que sur des choses générales ; j’ai demandé au pacha s’il ne ferait rien pour assainir la ville et pour en éloigner la peste ; cette question l’a fait sourire ; il m’a laissé entendre que d’autres soins l’occupaient, et j’ai pensé qu’il s’appliquait le sens de ces paroles : de minimis non curat prætor. Nous nous sommes néanmoins quittés fort bons amis,