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tôt la traduction que Catulle a faite de ce joli poème. Bérénice, femme et sœur de Ptolémée Evergète, avait fait vœu de consacrer à Vénus une boucle de ses cheveux, si Ptolémée revenait triomphant de la guerre d’Asie. Elle accomplit son vœu, et la boucle suspendue dans le temple de Vénus avait disparu dés le lendemain. Le poëte feignit que Vénus l’avait fait enlever par Pégase, pour la placer dans le ciel, comme Bacchus y avait placé la couronne d’Ariadne. Callimaque, à l’appui de sa fiction, cite le témoignage de Conon, qui avait vu briller au ciel la nouvelle constellation, et, pour donner encore plus de crédit à ce témoignage, il cite avec emphase les divers travaux de l’astronome. Les vers de Callimaque ne nous sont pas parvenus, mais tous les littérateurs connaissent la traduction de Catulle:


Omnia qui magni dispexit lumina mundi,
Qui stellarum ortus comperlt atque obitus,
Flammeus ut rapidi solis nitor obscuretur,
Ut cedant certis sidera temporibus,
Ut triviam furtim sub latmia saxa relegans
Dulcis amor gyro devocet aerio:
Idem me ille Conon caelesti lumine vidit
E Berenicaeo vertice caesariem
Fulgentem clare.....

Il est à croire que Conon n’est point l’auteur de cette métamorphose poétique, et Callimaque put emprunter son nom sans le consulter ; il ne faudrait donc pas conclure, comme ont fait quelques écrivains modernes, en enrichissant encore sur ce qu’avaient dit Hygin et Théon, que Conon fut aussi bon courtisan que savant astronome : nous ne voyons pas même que la nouvelle constellation, généralement adoptée aujourd’hui, l’ait été d’abord par les astronomes d’Alexandrie. Eratosthènes, qui est à peu près de la même époque, en fait mention en passant, dans ses Caractérismes, à la suite de la constellation du Lion ; mais cet opuscule est au moins apocryphe. Ptolémée, qui vivait environ trois cents ans après Conon, n’en cite que deux ou trois étoiles, qu’il met comme informe : à la suite de la constellation du Lion. Il les désigne par le mot πλοκαμος (la boucle): c’était le mot de Callimaque; Catulle l’a traduit par caesariem. Les cartes modernes représentent une chevelure tout entière; mais ce n’était qu’une boucle ; ce qui est prouvé par ces mots de Catulle:


Abjunctae paulo ante comae mea fata sorores
Lugebant...

On n’a fait aucune attention à ces détails, et l’on s’est souvenu principalement du titre de l’élégie. de Coma Berenicis.

D—L—E.

CONON, avait dédié à Archélaüs Philopator, roi de Cappadoce, et contemporain d’Auguste, un petit ouvrage en grec, contenant cinquante narrations mythologiques et historiques qu’il avait extraites de divers auteurs anciens. Photius en a donné un abrégé assez étendu dans sa Bibliothèque. Elles ont été imprimées séparément en grec et en latin, mais d’une manière très-incorrecte, dans l'Historiae poeticae Scriptores de Gale. La meilleure édition est celle que Kanne a publiée en grec et en latin avec des notes, Goettingue, 1798, in-8o. Elles se trouvent ordinairement jointes au Parthénius de Legrand. Gédoyn en a donné une traduction française peu fidèle dans le t. 14 des Mémoires de l’académie des inscriptions et belles-lettres. C-R. ’


CONON, peintre. Voyez CIMON.


CONON, élu pape le 21 octobre 686, successeur de Jean V, était né en Sicile et originaire de Thrace. À la mort du dernier pape, les suffrages se trouvaient partagés entre deux compétiteurs. Le clergé désirait l’archiprêtre Pierre ; l’armée souhaitait le prêtre Théodore. Le clergé et les évêques ne pouvant entrer dans l’église de Latran, que l’armée avait fait fermer, résolurent, après deux mois et demi d’incertitudes et d’opposition, de faire leur élection dans le palais. Leur choix tomba sur un tiers, ce qui apaisa tous les partis. Conon était un vieillard vénérable par sa figure et ses cheveux blancs, simple, paisible, étranger à toutes les factions, mais peu expérimenté dans les affaires. Il laissa surprendre sa confiance par le diacre Constantin, homme méchant et artificieux, qu’il établit directeur du patrimoine de Sicile. Une sédition s’éleva contre les exactions de ce mandataire processif et violent, et le gouverneur de la province le fit mettre en prison. Conon traina une vie malheureuse pendant son pontificat, qui fut de peu de durée. Il mourut le 22 octobre 688, et eut pour successeur Sergius II. D—s.

CONON ou QUENES, poëte et guerrier du 12e siècle, issu des sires de Béthune, était le frère d’un avocat de cette ville, titre très-honorable à cette époque. Il se rendit, vers l’an 1180, à la cour de France où il vit Marie, comtesse de Champagne, veuve de Henri Ier, et fille de la célèbre Eléonore de Guienne, dont elle avait les défauts et les qualités. Son goût pour les plaisirs et la poésie avait fait de la cour de Champagne le rendez-vous des trouvères et des ménestrels. Sa politique l’appela souvent à cour de France. Quoique plus âgée que Conon de dix ans au moins, elle sut lui inspirer des sentiments de tendresse. Cultivant la poésie, il peignit son amour à la princesse dans plusieurs chansons faciles et bien tournées, et bientôt il fut compté parmi les chevaliers les plus agréables de la cour. La reine Alix de Champagne, veuve de Louis VII, voulut l’entendre. Conon chanta en présence de Philippe-Auguste et de la comtesse Marie ; mais cette épreuve ne lui fut pas favorable. Alix qui se mêlait aussi de poésie, trouva ses vers peu dignes de la politesse de l'Ile-de-France; ses expressions vieilles et mal choisies ; ses pensées peu délicates. La jalousie eut peut-être quelque part à ce jugement; car Conon, s’armant des traits de la satire, se vengea par une chanson dans laquelle, à certains mots prés qui sentaient l’artésien, on trouve beaucoup de malice et de sensibilité. On y voit aussi clairement que l’objet de son amour est la belle comtesse de Champagne. On était alors en l’année 1188 : les nouvelles arrivées de la Palestine firent prendre la croix aux rois de France et d’Angleterre. Conon de Bè-