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12 CON. sement dans les Pays-Das, ce qui eût été assurément bien plus fâcheux que son retour. Condé revint à Paris et fut présenté au roi par le cardinal, qui mourut peu de temps après. Louis, qui annonça son intention de gouverner par lui-même, ne donna point de commandement à Condé qu’il craignait peutètre encore : Turenne paraissait suffire à tout. Louvois en devint jaloux, et lui fit préférer Condé pour la conquête de la Franehe-Comté (1665). Cette province fut soumise en moins de trois semaines. Condé assiégea en personne Dole, qui avait résisté à son père, et la prit en peu de jours. La guerre de 1672, contre la Hollande, lui fournit de nouvelles occasions de montrer au roi la sincérité de son repentir. Au passage du Rhin, l’imprudence du duc de Longueville, qm tira un coup de pistolet sur des soldats qui demandaient quartier, fit courir au prince le plus grand danger. Longueville fut tué d’une décharge de mousqueterie, et un officier allemand courut à Condé et lui appuya un pistolet contre la tète ; Condé détourna le coup qui lui cassa le poignet. C’est la seule blessure qu’il ait reçue dans toutes ses campagnes. La bataille de Senef (1l août 1674) est la dernière que Condé ait gagnée ; elle fut meurtrière, et sans de grands résultats. Après un léger avantage, auquel il devait se borner, ce prince attaqua imprudemment le prince d’Orange dans les plus fortes positions, et toute l’impétuosité française ne servit qu’à augmenter l’effusion du sang (1). En 1675, après la mort de’Turenne, Condé fut chargé d’arrêter les progrès de Montecueulli, et il y parvint aisément ; mais il demanda sa retraite, ai cause des douleurs de goutte dont il continuait d’être tourmenté, et Louis XIV, encore mécontent de ce qu’il avait prodigue le sang français à la bataille de Senef, ne chercha point à le détourner de son projet de se retirer à Chantilly. Ce fut alors que Condé orna ce lieu avec autant de goût que de magnificence. Dans sa jeunesse, il avait fréquenté l’hôtel de Rambouillet, mais il avait suse préserver de l’affectation et du ton précieux qui régnaient dans ces assemblées. Son admiration pour Corneille ne lui ferma point les yeux aux sublimes beautés de Racine ; il Pencouragea dans ses essais, et le soutint contre les cabales qui cherchaient a le dégoûter du théâtre. Il fut son protecteur, celui de Boileau et de Molière, et il les accueillit constamment. L’amour de la gloire est le - principal trait du caractère de Condé. Son humeur était inégale ; on lui a reproché d’être avare : l’embarras dans lequel il fut pour acquitter ses dettes prouverait le contraire. Coligui l’accuse d’ingratitude envers ses amis. (Voy. Jean DE Comcm. ) Peut-être ne fut-il pas assez reconnaissant envers cet homme, qui lui avait donné la preuve d’un dévouement sans bornes ; mais tous les historiens s’accordent à dire qu’il s’employa pour obtenir des grâces à tous ceux qui l’avaient servi. Condé mourut dans de grands (I) On a dit qu’avertis des murmures qu’avait fait naître l’horrible massacre de la bataille de Senef, Condé répondit :« Il ne faut qu’uuc nuit de Paris pour tout réparer. n Cette anecdote est hors de toute Vl’2iSolIlll2fiCt’, et POI’ ! S’CSI ZIIISIBBII (YPII l’3|lpol’lCI’CRDS cet 2l’ll€10 beaucoup d’autres du même genre.

CON sentiments de religion, le ll décembre 1686, il Fontainebleau. Les plus célèbres orateurs prononcèrent son oraison funèbre. Ce fut par la sienne que Bossuet termina sa carrière, et, de l’avis des meilleurs juges, c’est le clxel’·d’œuvre d’un homme qui en compte autant que d’ouvrages de ce genre. Bourdaloue en prouonça aussi une, dont Bayle fait un grand éloge. Lt physionomie du grand Condé annonçait bien ce qu’il était. « S’il avait, a-t-on dit, le cœur d’un lion, il avait aussi le regard d’un aigle. » Voici le portrait qu’en a tracé F olard, digne appréciateur de sa valeur et de son caractère militaire : Incapable de céder, quelques obstacles qu’il pût rencontrer dans la poursuite de ses desseins, d’un a esprit extrêmement vif, tout plein de feu, de lumières et de ressources ; d’un coup d’œil admirable ; a impérieux, quelquefois violent dans le commandement, plus encore dans l’action, où l’on prétend qu’il suivait assez volontiers les voies meurtrières.... Si le grand Conde se mont1·a quelquefois prodigue du sang de ses soldats, on doit avouer qu’il se ménageait fort peu lui-même, et que le sacrifice de sa propre existence lui parut toujours au-dessous de la honte d’un revers. Au moment où il allait livrer la bataille de Rocroi, Gassion, qui en redoutait les suites, à cause de la supériorité des Espagnols, lui ayant dit : à Que deviendrons-nous, si nous sommes vaincus ? — Je ne m’en mets point en peine, répond Condé, parce que je serai mort auparavant. On trouve dans St-Evrenzont un beau parallèle entre Turenne et Condé. On peut consulter sur ce dernier : ·t° les Mémoires pour servir à son histoire (par la Brune), Cologne (Amsterdam), 1692, 2 vol. in-12 ; 2° Vie du prince de Condé (par P. Coste), Cologne (Amsterdam), 1605, in-12 ; 2° édit., 1694, in-12 ; 5° Essai sur la cie du grand Condé, par Maizière de Mentville, chanoine de Bordeaux, dans le recueil de l’académie de Montauban, 1750 ; 4° Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, par Desormeaux, Paris, 1766-68, 4 vol. in-12 : elle est intéressante ; le style en est élégant ; 5° Vie du prince de Condé, pa1· Turpin, formant les t. 24 et 25 des ’ Vies des Hommes illustres de France ; impartiale, mais écrite négligemment ; 6° enfin Essai sur la vie du grand Condé, pa1· Louis-Joseph de Bourbon, son quatrième descendant, Paris, 1806, in-8°. Cette édition est la seconde. ( Voy. aussi les articles Mxzauuv et Tounlvma.) W—s. ·

CONDE (Hr-ztvut-JULES DE Bounnotv, prince nn), fils du grand Condé, naquit en 1645. Son père prit un soin particulier de son éducation ; il stu-veillait lui-même ses maîtres, se faisait rendre compte de ses progrès, et les hatait par ses leçons. fl Femmena avec lui lorsqu’il passa au service de l’Espagne ; mais ne pouvant pas le conserver au milieu des hasards d’une guerre poussée vivement, il le plaça chez les jésuites de Namur pour y terminer ses études. Il lui enseigne ensuite tout ce qui peut d’enseigner de l’art de la guerre, et eut le plaisir de le voir répondre à ses espérances par sa docilité et son application. Rentré en France avec son père (1660), le. jeune prince partagea son $011, et n’eut point de