vrages. Élève du peintre Laurent de la Hire, qui lui avait enseigné le dessin, il débuta par graver en taille-douce les tableaux de son maître, et il exécuta quelques estampes dans une manière fine et agréable.
Mais, impatient d’un mode de reproduction si lent au gré de sa vive imagination, il ne se donna pas le temps de se perfectionner dans l’art du burin, et de se corriger d’une certaine sécheresse native ; il quitta la taille-douce pour l’eau-forte et ne reproduisit plus que ses propres pensées. Il fit des suites de planches religieuses, il décora des thèses, il orna des livres, et c’est surtout dans cette carrière de l’ornement des livres qu’il donna un libre essor à la rare fécondité de son imagination. L’exécution rapide et la multiplicité de ses œuvres nuisirent sans aucun doute à leur perfection ; mais on ne peut s’empêcher d’admirer la ressource de cet esprit qui s’adapte à tous les sujets ; qui entre si judicieusement dans la pensée d’auteurs divers et les interprète avec tant de bonheur. Aussi poëte que peintre, il ajoute même souvent quelque détail ingénieux et poétique à son auteur : il l’enrichit en le décorant. Lui proposait-on d’entreprendre l’ornement de quelque ouvrage, il prenait une ardoise, et, sur-le-champ, sur la pensée donnée, il exécutait plusieurs compositions qu’il modifiait ou recommençait jusqu’à ce qu’on en fût content, ou (ce qui était plus rare), qu’il le fût lui-même. Sa facilité était telle, que souvent, le soir, il se faisait lire un sujet par ses enfants, et il le composait, comme en se jouant, et le gravait à la pointe avant de se coucher. Ce n’est pas tout : inventeur de la plupart des morceaux qu’il gravait, il fournissait aussi bénévolement, à quantité de peintres qui le consultaient, des sujets, des dessins de tableaux, des détails importants dont ils profitaient sans l’avouer ; et plus d’une fois ses croquis ont soutenu l’imagination fatiguée de Lebrun. Son œuvre gravé ne se monte pas à moins de 5 000 pièces, sans y comprendre 1 100 autres sujets exécutés sur ses dessins, par Poilly et autres graveurs du temps. On regarde comme ses pièces les plus remarquables, les figures des poëmes de la Pucelle et d’Alaric, celles des Métamorphoses de Benserade, et ses planches de la Vie de St. Bruno de Lesueur. C’est peu de temps avant sa mort qu’il exécuta tous les dessins de cette galerie célèbre, qu’il en commença la gravure et les planches qui sont de sa main font regretter que la mort l’ait surpris avant qu’il eût pu mettre fin à cette belle entreprise. L’ouvrage a été terminé et a paru en 1 volume in-fol., avec des vers latins et français au-dessous de chaque pièce, les mêmes qui avaient été tracés sur les murs du cloître des chartreux, et que François Jarry, prieur de la chartreuse de Notre-Dame-de-la-Prée-lez-Troyes, dans le 16e siècle, avait publiés en 1551 et en 1578. Chauveau a laissé également inachevée une suite de sujets de l’histoire grecque et romaine, qui devait former un ouvrage considérable. Il peignit aussi de petit tableaux dans un style assez gracieux ; et quand il mourut, son atelier fourmillait d’esquisses peintes, et ses Cartons de croquis et de compositions achevées dont Lebrun acheta un grand nombre. Chauveau était membre de l’académie de peinture, et y était même arrivé au grade de conseiller. En résumé, cet artiste ne saurait être compté au nombre des maîtres. Moins improvisateur, plus mûri, son talent fût arrivé peut-être à une certaine hauteur de caractère qui lui a manqué ; mais le feu, mais la force de l’expression, mais l’abondance, la finesse, la variété, le tour ingénieux du dessin, ne lui ont pas fait défaut. Malgré ses défauts, et particulièrerement une sécheresse d’exécution qui va parfois jusqu’à la dureté, c’est un artiste d’un ordre rare, sans être d’un ordre élevé, et qui a occupé une grande place et utile à son époque.
CHAUVEAU (RENÉ), sculpteur et architecte,
fils du précédent, naquit à Paris, en 1665. Élève de
Caffiéri, ce fut dans l’atelier de ce maître qu’il fut
avantageusement connu de Colbert. Un génie fécond,
une imagination vaste, et beaucoup de feu
dans ses compositions, forment le caractère de son
talent. Il obtint de très-bonne heure un logement
aux Gobelins, et à vingt-six ans, il se vit chargé de
faire tous les projets et les esquisses relatifs aux divers
travaux du gouvernement. Ayant épousé une
fille de Cuucci, artiste italien logé comme lui aux
Gobelins, et ennuyé d’être obligé de conduire l’atelier
de son beau-père, ce qui, joint à ses propres
affaires, le surchargeait de u*avail, il obtint un logement
au Louvre. Cuucci, s’apercevant du tort que
cet éloignement faisait à ses entreprises, obtint du
ministre que son gendre retournât aux Gobelins.
Celui-ci, regardant cet ordre comme un affront, accepta
la proposition qui lui fut faite d’aller en Suède,
où on lui promettait un sort avantageux. Pendant
les sept années qu’il passa dans le Nord, il exécuta
différents travaux qui établirent sa réputation. De
retour en France, il fut chargé, pour les maisons
royales, de l’exécution de divers ouvrages dont il
existe encore quelques-uns à Versailles. Louis XIV
l’ayant appelé dans son cabinet, en 1700, pour lui
expliquer un sujet de bordure à plusieurs compartiments
qu’il désirait faire exécuter, Chauveau imagina
le Soleil, devise de Louis XIV, sous la figure
d’Apollon, placé au milieu des quatre Saisons et
présidant sur elles, le tout enrichi d’attributs et
d’ornements du meilleur goût. Cette idée ayant
beaucoup plu au roi, ce prince la fit exécuter en
bronze, achever par un habile ciseleur et dorer magnifiquement.
Chauveau, fort en vogue à la cour, fit reconstruire pour Camboust de Coislin, évêque de Metz, son château de Frescati ; il orna d’une maniére
fort riche, pour le cardinal de Rohan, le grand
salon de son château de Saverne ; il fit pour d’autres
grands seigneurs quelques travaux dont on peut
voir les détails, ainsi que celui de toutes ses autres
productions, dans un éloge de cet artiste, fait par
Papillon. Son dernier ouvrage est celui qu’il fit au
château de Sablé, pour le marquis de Torcy. Ce seigneur,
fort ignorant et peu amateur, lui ayant demandé
à plusieurs reprises ce qu’il voulait gagner
par jour, l’habile artiste, choqué de cette question,
quitta brusquement lé château et s’en revint à pied