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ziéme degré de latitude septentrionale : c’est une découverte importante que leur doit la géographie ; car, avant eux, l’existence en avait bien été révélée par les récits des Arabes, mais si confusément que les géographes étaient réduits à marquer sa situation sur la carte à peu prés au hasard. Ce lac a environ soixante lieues de long sur quarante de large ; il reçoit plusieurs rivières considérables, et les eaux qu’il a une fois admises dans son sein n’ont pas d’écoulement qui soit connu jusqu’à présent. Autour du Tchad, on trouve au nord le Kanem, au sud-est le llerghami, au sud le Loggoun, a l’ouest le Bornou. Cette dernière contrée, fort étendue et assez commerçante, était autrefois gouvernée par un chef qui prenait le titre de sultan ; mais l’autorité réelle appartient aujourd’hui, ou du moins appartenait du temps de Clapperton, à un cheik, natif du Kanem, qui, a la tête d’une troupe de ses compatriotes, avait chassé les Félatahs, peuple voisin et conquérant antérieur du Bornou ; et depuis sa victoire, le eheilr, en proclamant pour souverain le frère du dernier sultan, l’avait réduit à la condition d’un roi fainéant. Clapperton et ses compagnons de voyage ne contribuèrent pas médiocrement à ranger sous sa loi un nouveau peuple, celui de Mongowis. De ce service, et de l’opinion qu’ils surent lui donner de leur supériorité, ils tirèrent l’avantage d’entrer assez avant dans ses bonnes grâces, et de ne pas éprouver d’obstacles, d’obtenir au contraire toutes les facilités désirables pour la continuation de leur entreprise. De Kouka, ville assez considérable et résidence du eheik, tandis que Denham allait visiter le Loggoun, puis le Mandara, et se mêlait témérairement a une expédition d’Arabes, de Bornouens et de Mand.nans contre les Félatahs, de laquelle il devait revenir blessé, dépouillé et n’ayant la vie sauve que par miracle, Clapperton et Oudney se mirent en route pour le llaussa, pays situé a l’ouest du Bornou et occupé par les Félatahs, peuple laborieux, intelligent, affable, et dont les mœurs se sont adoucies depuis ses conquêtes. Les principales stations, et pour ainsi dire les grandes étapes de leur voyage, furent, en se dirigeant toujours à l’ouest, et en inclinant à peine vers le sud, Bidegouna, Katagoun etltlurmnr. Dans cette marche, un jour, pendant que Clapperton s’était un peu écarté de sa petite caravane, les Arabes de son escorte saisirent et garrottèrent deux hommes costumes a la manière de cette race primitive d’habitants du Bornou que l’on distingue des autres par le nom de Bédiles, et qui, n’ayant pas embrasse l’islamisme, sont un objet d’horreur pour tous les croyants. Un de ces malheureux, qui était véritablement de race nègre, reçut d’un des Arabes qui le retenaient prisonnier une blessure grave àla téte, sous le prétexte peu probable qu’il avait essaye de s’échapper. Clapperton, s’étant rapproché de sa troupe, vit avec indignation les marques sanglantes de cet acte de barbarie. Aussitôt, sans calculer les conséquences possibles de sa colère bien naturelle, sans songer que sa propre existence et celle du docteur Oudney étaient à la disposition des Arabes de sa caravane, s’il les blessait dans leur orgueil ou dans leurs préjugés, ou plutôt sentant bien, avec l’instinct d’un homme fait pour le commandement, que la force du caractère réussit presque toujours a dominer les circonstances, et que cette force, dont il ne faut pas laisser affaiblir l’influence, impose surtout le respect à des hommes grossiers qui ne reconnaissent guère d’autres lois, il s’elança sur le coupable, l’obligea d’employer son propre manteau pour panser la blessure qu’il avait faite. et le menaça de lui brûler la cervelle, s’il se livrait de nouveau à de semblables cruautés. Ensuite. s’adressant à tous les autres Arabes de sa suite, il saisit cette occasion de leur faire comprendre les égards que l’on doit aux prisonniers, et il réussit à se faire écouter et presque applaudir. Arrivé à Katagoun, dont le gouverneur avait envoyé au-devant de lui une garde d’honneur, il ne iugea pas inutile de donner à ce chef militaire, un des lieutenants du sultan de Sackatou, quelques preuves de son adresse à tirer à la cible ; il atteignit plusieurs fois le but à une grande distance, avec une précision qui frappa d’étonnement le gouverneur de Katagoun, et lui arracha cette exclamation : à Dieu me préserve de « pareils diables ! » Il eut pour récompense, et comme témoignage de la supériorité qu’on lui reconnaissait, un manteau magnifique que le barbare lui mit sur les épaules. À Murzuur, Clapperton fit une immense perte, bien sensible pour son cœur et bien regrettable aussi pour les résultats scientifiques que pouvait avoir son pénible voyage : il reçut, dans cette ville, le 12 janvier 1821, le dernier soupir du docteur Oudney, qui mourut, à l’âge de 52 ans, des suites d’un refroidissement, cause très-fréquente de mort pour les Européens dans ces climats, où la chaleur brillante des jours n’a d’égale que la fraîcheur extrême des nuits. Après avoir rendu les derniers devoirs à son ami, son compagnon, à celui qui avait eu la première idée de cette expédition, et qui avait bien voulu l’y associer, Clapperton, désormais seul, et malade lui-même, continua son voyage avec persévérance. En marchant toujours vers l’ouest, il arriva à Kano, une des principales villes du royaume de Haussa, à laquelle il attribue une population de ’50 a 40,000 âmes. De là, se portant encore à l’ouest, mais remontant un peu vers le nord, il parvint à Sackatou, dont le nom signifie halle, et qui parait avoir été fondée en 1805. C’était déjà, en 1821, lorsqu’il y séjourna, une ville considérable, bien bâtie, beaucoup plus peuplée que Kano, la capitale du Haussa, et, à ce qu’il semble, de tout l’empire des Félatahs : du moins, c’était la résidence du sultan Bello, qui régnait alors souverainement sur cette race d’hommes. De Kano à Sackatuu, le voyageur anglais trouva, en plusieurs endroits sur son chemin, des cscortes assez nombreuses que le sultan des Félatalis envoyait a sa rencontre, avec ordre de rendre honneur a sa qualité de représentant du roi d’Angleterre, par un bruit assourdissant de tambours et de trompettes. Il eut avec ce prince africain plusieurs entrevues très -amicales et assez familières, dont il profita pour lui donner quelque idée