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des chefs-d’œuvre de la langue. Il tomba malade à son retour à Rome, et mourut le 21 novembre 1566. Ses ouvrages inédits restèrent après sa mort entre les mains d’un de ses neveux, qui en commença la publication ; mais il mourut lui-même avant de l’avoir achevée, et laissa le reste de ce soin à son frère. Il n’avait paru qu’un ouvrage du Caro dans la jeunesse de l’auteur ; il est connu ’des philologues italiens sous le titre de la Ficheide. C’est un commentaire plaisant sur un capitolo du Molza, à la louange des ligues. L’auteur y prit le nom de Ser’ Agresto da Ficaruolo, et donna au Molza celui de Padre Sicco, du mot grec σῦϰον, ficus. L’imprimeur, que l’on croit avoir été Blado d’Asola, alors lixé à Rome, fut désigné sous le nom de Barbagrigia. Le titre entier porte : Contente di Ser’ Agresto de Ficaruolo sopra la prima ficata del Padre Siceo ; et a la fin : Stampato in Baldaceo per Barbagrigia di Bengodi, etc., 1559, in-4°. Il y en a une édition postérieure, in-8°, sans date ni nom de lieu, mais qui paraît être de Florence. Cette plaisanterie, écrite dans le toscan le plus pur, et assaisonnée de tours et de bons mots florentins, eut le plus grand succès dans l’académie romaine della Virtù, où elle fut lue par l’auteur, et n’en eut pas moins dans le public. Léoni d’Ancône, qui était président de cette académie, avait un nez énorme ; Annibal Caro prit ce nez pour sujet d’un second discours académique, écrit du même style, qui n’amusa pas moins cette société de gens de lettres joyeux, et qui amusa surtout beaucoup Léoni lui-même. Il fut imprimé a la suite du Contente, dans les deux éditions ci-dessus, sous le titre de la Diceria de’ nasi. Ces deux pièces sont jointes aux Ragionamenti de l’Arétin, dans l’édition de 1660, in-8°, sous la fausse date de Cosmopoli. Peu de temps après qu’Annibal eut fait et qu’il eut laissé courir dans le public sa canzone, ou son ode : Venite all’ ombra dé gran gigli d’oro, il en parut un commentaire explicatif et apologétique, qu’il a toujours nié être de lui, mais qu’on s’est toujours accordé à lui attribuer. Ce commentaire, intitulé : Comento alla canzone dé gigli d’oro, fut imprimé pour la première fois dans les Lettere di cari autori, publiées par Louis Dolce, Venise, 1554, in-8°. Le titre de l’apologie en réponse aux critiques du Castelvetro est : Apologia degli académici di Banchi di Roma contra M. Lodovico Castelvetro da Modena, in forma d’uno spacio di maestro Pasguino, con alcune operette del Predella, del Buralto, di ser Fedocco, in difesa della sequente canzone del commendatore Annibal Caro ; appartenenti tutte all’ uso della lingua toscana e al vero modo di poetare, Parme, 1558, in-I°, et 1575, in-8°. Cette réponse dure et mordante, en prose, est suivie de quelques pièces satiriques en vers, sous le titre de Mattaccini, et d’une Corona de neuf sonnets, sur des rimes entrelacées, qui prouvent également et combien l’auteur, quoique habituellement doux, était excessif dans ses vengeances poétiques, et avec quelle aisance il se jouait des difficultés les plus épineuses de ces sortes de compositions. Ses autres œuvres, publiées par ses neveux, parurent dans l’ordre suivant : 1° Due Orazioni di Gregorio Nazianzeno, teologo, in una delle quali si tratta quelle che sia covado e quali debbiano essere i vescovi ; nell’ altra dell’amore verso i poveri ; e il primo sermone di S. Cecilio Cipriano sopra l’elemosina, fatte in lingua toscana, Venise, Aide Manuce, 1569, in-4°. 2° Rettorica d’Aristotele, fatta in lingua toscana, Venise, 1570, in-4°. 5° Le Rime, Venise, Aide Manuce,1569, 1572, in-4°, et souvent réimprimé depuis. C’est un des recueils de ce genre les plus élégants et les plus estimés. 4° Il en faut dire autant des Lettere, dont la première partie parut en 1572, et la seconde en 1571, Venise, Alde Manuce, in-4°, et ibid., par les Junte, 1581, in-4°. Camino de Padoue en a donné dans le dernier siècle plusieurs bonnes éditions ; la dernière comprend les lettres écrites au nom du cardinal Farnése ; elle est en 6 volumes in-8°, 1764 et 1765. Il n’y a qu’une voix sur le mérite de ces lettres ; c’est un vrai modèle de la bonne prose italienne, et il est permis de croire que les auteurs italiens qui ont écrit, depuis, dans un style qu’ils ont cru meilleur, ont plutôt altéré que perfectionné leur langue. 5° L’Eneide di Virgilio, tradotta in versi sciolti, Venise, Junte, 1581, in-4°, ibid., 1592. Les plus belles éditions qui en ont paru ensuite sont celles de Trévise, 1605, in-4°, et Paris, 1760, veuve Quillau, 2 vol. grand in-8°. C’est l’ouvrage d’Annibal Caro qui a le plus contribué a sa réputation. Il y a peu de poëmes italiens où la langue soit aussi pure, aussi poétique et aussi belle ; il n’y en a aucun où le vers libre, sciolto, soit plus parfait, et ou l’on puisse mieux apercevoir la différence qu’il y a entre cette espèce de vers et ce que nous entendons généralement par des vers blancs. On regarde aussi cette traduction comme très-fidéle. Ce n’est point dans un article tel que celui-ci que l’on peut examiner cette partie de l’éloge. Ce qui paraît incontestable, c’est que l’auteur a la gloire d’avoir fait pour ses compatriotes une Énéide italienne, aussi belle peut-être que l’Enéide latine le fut pour les Romains, et d’en avoir fait en même temps, ce qui est si difficile même dans une traduction libre, un modèle d’élégance, de grâce et de perfection de style. Que peut-on demander de plus ? 6° Gli Straccioni, commedia, Venise, Aide Manuce, 1582 et 1589, in-8°, l’une des comédies les plus originales et les mieux écrites de cet ancien théâtre italien que l’on connaît si mal en France, et dont quelques-uns de nos critiques, entre autres Marmontel et Laharpe, ont donné de si fausses idées. 7° Le Cose pastorali di Longo, il quale scrisse degli amori di Dafni e Cloe. Cette charmante traduction d’un charmant ouvrage fut faite, à ce

qu’il paraît, par une lettre de l’auteur, à Rome, en 1558 ; elle est restée longtemps inédite, et n’a été imprimée que vers la fin du siècle dernier, par Bodoni, Parme, 1786, in-4°. C’est une des plus élégantes productions de ce célèbre typographe.

G-È.


CARO (Rodrigo), né à Utrera, près de Séville, à la fin du 16e siècle, embrassa l’état ecclésiastique, et se rendit recommandable comme jurisconsulte, antiquaire et littérateur. Ses principaux ouvrages sont : 1° Antiguedades y principado de la illustrissima Ciudad de Sevilla y chorographia de su con-