Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 45.djvu/613

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

600 ZOR ZOR


de tous les êtres qui n’existent qu’en lui et par lui (Zervane Akerene, c’est-à-dire le temps sans limites, est son nom) ; deux principes opposés, Ormuzd et Ahriman, le premier, auteur de tous les biens, le second, auteur de tous les désastres et de tous les crimes ; six Amchapands, les premiers êtres de la création après Ormuzd et son ennemi, vingt-huit lzeds et les innombrables Fervers, six Devs, implacables ennemis des Amchapands contre qui ils ne cessent de combattre, vingt-huit esprits malfaisants subalternes, et enfin un nombre immense de mauvais génies du dernier ordre, tels sont les linéaments primitifs de ce culte où domine dans toutes les parties l’idée de combat. La création elle-même entre dans la lutte et y prend une part active. Une partie de l’univers est ahrimanienne : l’autre sort des mains et sert la cause d’Ormuzd. Au reste cette guerre des deux principes ne doit durer que douze mille ans, partagés en quatre grandes périodes chacune de trois millénaires. Pendant la première, Ormuzd règne sans partage, et crée l’étincelante armée des cieux. Attaqué au commencement de la seconde, il propose la paix, ne peut l’obtenir, et bientôt précipite son ennemi dans les abîmes de l’enfer, où il est enseveli pendant le reste du second âge. Mais la lutte se renouvelle et devient plus active dans le troisième. Ahriman blesse mortellement le taureau qui périt, mais dont l’épaule droite engendre Kaimorts, le premier homme. L’opposition des deux principes se prorogera ainsi jusqu’au bout du douzième millénaire, époque à laquelle, selon les uns, il sera anéanti, selon les autres, il reviendra à la vertu qui était sa nature primitive, et offrira avec ses Devs, ainsi qu’Ormuzd avec ses Amchapands, un sacrifice éternel à Zervane Akerene. (Voy. Gœrres, Mythengeschichte, t. 1er, p. 223-236), Rhode, Die heilige Sage, etc., p. 169 et suiv. ; Zend-Avesta, Anquetil, t. 2, p. 592 et suiv., Exposit. du système théol. de Zoroastre). Au reste cette idée d’opposition et de guerre n’est pas seulement sensible dans la bataille que soutiennent l’un contre l’autre Ormuzd et Ahriman. On la trouve symbolisée de mille manières. Ainsi la lumière et les ténèbres, le jour et la nuit, l’été et l’hiver, le ciel et la terre, le taureau et le serpent ne sont que des mythes et des emblèmes de cette pensée fondamentale. On la retrouve encore dans les époques de la création et la composition du calendrier liturgique si fidèlement calqué sur elle dans tous ses détails, que l’illustre Herder (Denkmale der Vorwelt) s’écrie : « La religion d’Iran est comme une fête perpétuelle en l’honneur de l’œuvre divin. » De là encore les conceptions fabuleuses de la licorne et de la martichore, animaux imaginaires dotés par l’allégorie l’un des qualités et de la bienfaisance d’Ormuzd, l’autre de la cruauté et de la puissance exterminatrice d’Ahriman. Ceci nous amène naturellement à parler des représentations en usage dans le culte zoroastrien. Il


est aujourd’hui parfaitement convenu, tant d’après les passages des anciens bien lus et bien interprétés que d’après les textes formels et l’esprit du Zend-Avesta, que les Perses n’étaient point idolâtres, et que, familiarisés avec les notions les plus hautes comme les plus pures sur la Divinité, ils ne rendaient au feu, aux astres, aux planètes, qu’un culte de dulie. Aussi Payne Knight (Inq. into the symbol. lang., § 93) les nomme-t-il les purítains du paganisme. On tomberait cependant dans une grave erreur si l’on pensait que leur culte resta aussi simple que celui des Juifs, et qu’ils ne représentèrent point les êtres supérieurs. Non-seulement ils représentèrent souvent les lzeds et les Fervers avec des formes humaines ; mais les monuments de Persépolis sont, comme les ruines de l’Égypte ancienne, remplis de figures ou de membres d’animaux allégoriques, qui, tous sans doute sont les emblèmes de quelques divinités. Parmi les principales se remarque la tête d’épervier (ίέραξ, l’oiseau sacré par excellence) pour représenter Zervane Akerene. Le lion, l’hyène, l’aigle, le corbeau, occupent aussi un rang distingué dans cette bizarre galerie, un des monuments les plus curieux du zoomorphisme ; et l’on retrouve des degrés analogues dans les divers grades des initiations mithriaques. Ces initiations, si fameuses dans l’Occident, à partir du second siècle de notre ère, et dont, quoique le Zend-Avesta se taise sur elles, il faut certainement rapporter l’origine à la caste sacerdotale d’Iran, nous présentent aussi un grand nombre de traits symboliques relatifs au zoomorphisme. La robe léontique, donnée à une classe d’initiés, est depuis le haut jusqu’en bas chamarrée de figures d’animaux. Les bas-reliefs mithriaques s’accordent tous à représenter le Dieu invincible, le Dieu soleil, Mithra immolant d’un coup de poignard le taureau primordial sur lequel il est porté, et qu’attaquent simultanément un chien, un serpent, un scorpion. Ce n’est point ici le lieu de faire l’historique des mithriaques, ni d’examiner le sens précis de leurs allégories, double tâche qu’ont remplie avec autant d’érudition que de génie Creuzer (Relig. de l’antiq., liv. 2, ch. 1, p. 378-382 de la trad. française) et Silvestre de Sacy (Mystère du pagan. de Ste-Croix, t. 2, p. 147-150). Il nous suffit de constater que des animaux y sont encore représentés, et toujours dans un sens allégorique, ce qui exclut également et l’idée de simplicité et le soupçon d’idolâtrie. Ne nous étonnons point cependant si quelquefois le peuple prenant le signe pour la chose signifiée, et peu apte à remonter du symbole au génie qu’il représentait, fut accusé de rendre hommage à des objets inanimés. Tel est l’inconvénient de toute religion qui veut mettre l’abstrait sous des formes trop concrètes, et qui, au lieu de spiritualiser les choses de la terre, matérialise les êtres célestes. Cependant, quoique l’enseignement ésoté-