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qu’il fallait se borner à détruire. Ainsi Foucher, partant de l’assertion de Xanthus de Lydie et du passage où Pline parle d’un Zoroastre de Proconèse, place le fondateur de la religion de l’Iran sous Cyaxare I, autrement Darius le Mède, et prétend par là expliquer la guerre ou plutôt la double guerre avec le roi de Touran, le sac de Balkh et la mort violente de Lohrasp et du prophète. Volney (Chronologie d’Hérodote, Œuvres, t. 2, p. 43) s’attache de préférence au texte de Justin, et hésite si peu à placer Zoroastre sous Ninus et Sémiramis, qu’il consacre ensuite (p. 50-68) un paragraphe (§ 3) à fixer les années de sa naissance ; de ses principales actions et de sa mort, et que dans les tables chronologiques annexées à son ouvrage, on trouve les lignes suivantes : Le Mède Zoroastre nait vers 1250 ; — Zoroastre commence à répandre sa doctrine ; première guerre de Bactriane, 1220 ; — Zoroastre va à Bactres (Balkh), 1208 ; seconde guerre de Bactriane, 1207 ; — révolte de Zoroastre, 1181. Enfin Rhode, après avoir tourné contre le système de Foucher les armes d’une logique irrésistible et montré combien il avait mal saisi la difficulté, s’éloigne encore plus que lui de l’époque hystaspéenne ; et, sans autre preuve que la coïncidence souvent frappante des doctrines du Zend-Avesta avec celles du brahmaïsme, il élève tout à coup et le législateur et le livre qu’il a écrit à une hauteur d’antiquité à laquelle on ne pourrait rien comparer. Il n’est aucune de ces idées qui ne soit sans réplique. À Foucher on peut répondre d’abord que rien n’oblige à s’en rapporter aveuglément à Xanthus de Lydie ; que les livres qui portaient son nom du temps de Diogène de Laërte avaient, selon Athénée, été fabriqués par un certain Denys Scythobrachion vers le temps de Jules César ; que, si le passage indiqué par Diogène s’est jamais trouvé dans les écrits d’un Xanthus, au moins il n’est point prouvé que ce soit le Lydien (voy. Creuzer, Fragm. historic. graec. antiquissim., p. 225 ; et Maix, ad Ephorí fragment., p. 76 et suiv.) : ensuite qu’au lieu de Έξακόσια, adopté par Meiners, il faut, selon toutes les apparences, lire, avec deux manuscrits, Έξακισχίλια, six mille, nombre plus fabuleux et plus étrange au premier abord, mais plus en harmonie avec les idées des Grecs sur le merveilleux auteur de la loi religieuse des Perses, et qui d’ailleurs aura été facilement confondu avec l’Έξακόσια, parce que l’on aura écrit en abrégé Εζακ. χ., ce qui semble faire en lettres et en chiffres six cents. Au reste, en plaçant Zoroastre sous Cyaxare Ier, il s’en faut de beaucoup qu’il atteigne les six cents ans en question : ce nombre se trouve réduit à cent cinquante, seul espace compris de l’an 630, époque probable, dit-il, de la mort de Zoroastre, à l’expédition de Xercès en Grèce ; et n’est-ce pas se tirer beaucoup trop cavalièrement d’embarras, ne d’alléguer le peu d’exactitude chronologique des anciens ? Quant à


la facilité avec laquelle il explique dans son système certains détails de la Légende, nous dirons plus tard ce qu’il faut en penser. Le soin que Volney a mis à comparer et à contrôler les unes par les autres les diverses traditions ne le préserve pas non plus d’interprétations gratuites. On ne peut sans doute qu’applaudir au tableau des analogies existantes entre les anciennes idées religieuses et la loi zoroastrienne et à l’équation des mots Touran et Assyrie. Ici il fait vraiment avancer la science d’un pas en détruisant cette ancienne idée que le Touran est à l’est de la mer Caspienne et au nord de l’Iran, ce qui l’assimilerait à l’ancienne Scythie. Telle est en effet l’idée des auteurs orientaux de la vie de Zoroastre ; mais cette opinion n’avait d’autres fondements que leur ignorance et la ressemblance du mot Touran avec celui de Tourkestan, contrée effectivement située à l’est de la mer Caspienne ; et il serait ridicule d’y attacher plus d’importance qu’au passage où l’auteur du Zerdust-Namah fait demander par Gustasp à Ardjasp le royaume de Tchin. Ces écrivains se démentent eux-mêmes, quand, obéissant à une tradition différente, ils disent que quelques-unes des provinces d’Ardjasp étaient à l’occident de la mer Caspienne. Elles y étaient toutes, et le mot de Touran (la montagne), identique avec celui de Taurus, était opposé à celui d’Air-an ou Ir-an (la plaine), et formait un vaste empire en deçà du Tigre, tandis que l’autre empire s’étendait de ce fleuve aux Paropamises et à l’Indus. C’est donc avec assez de probabilité que l’illustre chronologiste voit la double invasion des armées touraniennes en l’Iran dans les deux expéditions de Ninus contre Oxuarte ou le roi de l’Oxus, expéditions qui se terminent, l’une par une retraite désastreuse, l’autre par la dévastation et la soumission du royaume dont on ne parle plus que comme d’une satrapie sous Asar-Adan-Pal. Cette explication cependant ne l’emporte pas sur celle de l’hypothèse précédente, qui nous montre les Scythes descendant de leurs montagnes, s’emparant du plat pays, s’y maintenant plusieurs années, ce qui eut lieu sous Cyaxare Ier et enfin pliant à leur tour sous le maître légitime, qui vient reconquérir son royaume et les tailler en pièces. Le plus raisonnable sans doute est de les combiner ensemble de telle sorte que les deux invasions successives, par exemple, soient tirées de quelques vagues souvenirs des conquêtes de Ninus, tandis qu’au contraire les détails de l’invasion victorieuse, et la courte durée de la conquête, auront été empruntés aux traditions non moins incertaines et incomplètes du règne de Cyaxare. Mêler ainsi les particularités de deux actions étrangères l’une à l’autre et chronologiquement éloignées n’a rien que de très-ordinaire chez un peuple dont l’histoire est peu différente des Mille et une nuits. Exigera-t-on après cela qu’ils soient fidèles à cette même chronologie tant de foi violée, au point de ne mettre que