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la même au fond, régnât depuis dans le pays, et que Hom en ait passé pour l’inventeur, c’est ce qu’il est impossible de nier ; mais c’est une question secondaire pour l’éclaircissement de celle que nous examinons : et quand enfin on prouverait que Hom s’est nommé Zoroastre, il est évident que ce n’est point du nôtre qu’il s’agirait. Quant aux passages des anciens sur des Zoroastres de Pamphylie, de Proconèse, etc., il est évident que ces auteurs étaient abusés par des titres d’ouvrages pseudonymes. L’immense réputation de Zoroastre dans tout l’orient, réputation qui s’est soutenue jusqu’à nos jours, et qui est telle que les musulmans, jadis destructeurs et encore aujourd’hui ennemis de son culte, lui donnent l’épithète d’El Hakim, c’est-à-dire le Sage, engagea un nombre infini de faussaires à mettre sous son nom des écrits apocryphes, et quelques-uns, sans doute, croyant le nom seul capable d’imposer aux lecteurs, sans même qu’il y eût identité de personnes, créèrent des Zoroastres de tout pays. Au reste, telle n’est pas l’origine de ceux que l’on nomme Zoroastre de Chaldée, Zoroastre de Perse : car ici l’on ne peut guère voir qu’une erreur qui prend sa source dans les voyages et les diverses résidences du législateur. C’est donc avec raison que cette fois on se décidera pour la tradition orientale, en réduisant à un le nombre des Zoroastres. Il reste maintenant à déterminer en quel pays il prit naissance. On ne peut nier que ce ne soit dans une des provinces situées au delà de l’Euphrate, la Médie, la Perse ou la Bactriane. Mais on voit que les auteurs qui ont parlé de Zoroastre comme d’un Persan ont songé non pas à la Perse proprement dite, autrefois Perside, aujourd’hui Fars ou Farsistan, mais au vaste empire fondé par Cyrus et étendu par Darius Ier, des bords de l’Indus aux côtes de l’Hellespont et de la mer Egée. L’incertitude ne porte donc que sur la Médie et la Bactriane. Comme incontestablement ce fut dans cette dernière contrée que Zoroastre remplit sa mission, beaucoup de savants inclinent à croire qu’il y naquit. Mais si l’on réfléchit que longtemps la Bactriane et la Médie formèrent un même corps politique, sans pourtant s’être encore fondues dans l’empire gigantesque qui depuis engloba la Chaldée, l’Assyrie, l’Asie Mineure et l’Égypte, on verra qu’il revient au même de faire naître le réformateur en Médie. Or, c’est ce que disent unanimement les Orientaux, qui lui assignent pour patrie l’Aderbaïdjan ou ancienne Atropatène, si remarquable par ses sources de naphte, son sol chargé de matières résineuses et le bitume qui flotte à la surface de ses lacs, et dont la combustion spontanée développe souvent au milieu d’une nuit obscure des flammes brillantes. On peut donc sans inconvénient se ranger à leur opinion, et même, s’il faut choisir parmi les villes qui revendiquent l’honneur d’avoir donné le jour au législateur du royaume, on peut, avec l’im-


mense majorité de ces mêmes Orientaux l’accorder à Ourmyagh, cité assez considérable située sur un lac du même nom. Reste la dernière question, et celle de toutes qui présente les plus graves difficultés : quand vécut Zoroastre ? Ici les anciens et les modernes se divisent à l’envi. Les écrivains mahométans, les Hindous, les Mobeds, s’accordent tous à placer l’ère de Zoroastre sous Gustasp. Mais quel est ce Gustasp ? Sans doute aux yeux de quiconque est habitué aux transformations des syllabes et aux apparences multiformes qui se plaisent à revêtir les mêmes mots en passant d’une bouche à une autre, Gustasp, Gostasp ou même Vestasp, comme l’écrivent quelques-uns, est le même qu’Hystaspe ; et personne n’ignore que Darius I eut pour père un nommé Hystaspe. Mais Gustasp est-il justement l’Hystaspe dont il est parlé dans Hérodote comme du père de Darius, ou Darius lui-même (car on peut présumer que ce prince portait le même nom que son père, et d’ailleurs Darius semble aussi avoir été un nom honorifique ou de dignité) ? La plupart des modernes, en adoptant cette opinion, que confirme le passage d’Ammien Marcellin cité plus haut, en ont conclu que Zoroastre vivait au commencement du 5e siècle avant J.-C., et à la fin du 6e, sous les rois de Perse Cyrus, Cambyse et Darius Ier. Tels sont entre autres Hyde, Anquetil, Kleuker (traduct. allemande du Zend-Avesta, Appendice), Jean de Muller, Malcolm, de Hammer et une foule d’orientalistes, d’historiens et de philologues illustres. Il n’en reste pas moins à prendre parti sur deux points assez embarrassants. D’un côté, la plupart des anciens, Hermodore le Platonicien, Eudoxe, Hermippe et l’auteur contesté des Magiques, plaçaient Zoroastre cinq à six mille ans avant la naissance de Platon et même avant la guerre de Troie. Quelques autres, plus modestes ou croyant se rapprocher du vraisemblable, substituent aux milliers des centaines, et ne donnent par conséquent au prophète qu’une antiquité de six cents ans, relativement à l’expédition de Xercès en Grèce. Tel était Xanthus de Lydie, du moins s’il faut en croire Diogène Laërce (Vie des philosophes, Introduct.), tel du moins s’il faut donner la préférence aux manuscrits qui portent έξακόσια (600) sur les deux où on lit en toutes lettres έξασχίλια (6000) (voy. Diog. Laërt., édit. Meiners, notœ ad Proœmium). Justin, livre I, en fait un roi de la Bactriane, contemporain de Ninus. De l’autre, il semble que plusieurs des points les mieux avérés de l’histoire de Zoroastre ne peuvent se concilier avec l’époque de Darius, et ne peuvent s’expliquer qu’en transportant les faits quelques siècles plus haut. De là les nombreuses divergences et les systèmes des orientalistes, qui ont chacun argumenté de leur côté, et qui, partant de bases différentes pour arriver à des résultats contraires, se sont très-bien réfutés les uns les autres, mais ont été beaucoup moins heureux lorsqu’il s’est agi d’établir que tandis


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