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tence, quoiqu’ils continssent exactement les mêmes dogmes que ceux de l’imposteur. Si l’on trouve le projet vraisemblable et l’exécution de ce projet possible, le monstre d’Horace (Humano capiti, etc.) ne doit rien présenter de ridicule, et le pyrrhonisme triomphera sans peine de l’évidence. » Il nous semble qu’après la lecture de ce passage il est impossible de soupçonner encore la supposition des livres zends qui sont parvenus jusqu’à nous. Quant aux interpolations nombreuses, loin de prouver contre l’authenticité du recueil, elles semblent au contraire déposer en sa faveur ; car on n’interpole que des livres authentiques, de même que l’on n’attribue à un auteur les ouvrages qu’il n’a point faits qu’autant qu’il en a composé un grand nombre. L’existence d’un homme, d’un législateur nommé Zoroastre est donc pour nous un fait incontestable. Mais n’y en a-t-il qu’un ? Les Orientaux sont unanimes sur ce point. Chez les Grecs et les Latins au contraire il est à chaque instant fait mention de plusieurs personnages de même nom. Ainsi Platon parle d’un Zoroastre de Pamphylie, ami de Cyrus. Avant Hostane le Mage, dit Pline (Hist. nat., liv. 30), vécut Zoroastre de Proconèse. Selon Cedrenus, la Perse donna le jour à un Zoroastre, célèbre astronome. D’autres nomment un Zoroastre de Chaldée, probablement le même que celui dont Pythagore aurait été le disciple à Babylone, et que le Zoromasde, savant chaldéen, auteur d’ouvrages sur les mathématiques et la physique, mentionné par Suida.. Enfin on peut remarquer que Zoroastre dans Agathias est qualifié de fils d’Ormuzd (δ Ώρομασδέωζ), tandis que dans Clément d’Alexandrie, il porte le titre de fils d’Armène ou d’un Arménien (δ Άρμενίου), nom propre que les savants regardent comme une dépravation d’Άρειμανίου, Ahriman. Cette divergence n’indiquerait elle pas deux Zoroastres ? Cette multiplicité de témoignages a été pour quelques écrivains tellement imposante qu’ils n’ont point hésité à reconnaître trois, quatre et même cinq Zoroastres, sans prétendre néanmoins assigner l’époque de chacun d’eux. Il en serait alors de Zoroastre, disent-ils, comme il en est de Bacchus et d’Hercule : on a réuni sur un seul des homonymes tout ce qui avait été opéré par chacun d’eux. L’abbé Foucher (Mémoires de l’Académie des inscriptions, t. 27, p. 254, etc.) n’en veut admettre que deux, au moins comme personnages historiques et religieux, et Zoëga, Abhandlungen über, etc., en s’écartant de lui dans plusieurs particularités, tombe d’accord sur ce point. Au contraire Hyde (De relig. vel. Pers., chap. 24, p. 308), Prideaux (Histoire des Juifs, t. 1er, p. 384}, Beausobre (Hist. du manichéisme, t. 1, p. 361), et les philologues les plus illustres de l’époque actuelle, ne reconnaissent qu’un homme de ce nom. Ce n’est pas que des personnages obscurs ou insignifiants n’aient pu le porter tout


comme le réformateur de la Perse. Mais ce n’est pas là que gît la difficulté ; il s’agit seulement d’examiner si les aventures mises par la tradition et les documents authentiques sur le compte de Zoroastre sont celles d’un ou de plusieurs individus. Or, si l’on fait abstraction des détails ridicules ou incroyables, et d’ailleurs inutiles, la vie entière de notre prophète se réduit à deux points, une réformation religieuse et la rédaction du Zend-Avesta. Certainement il ne serait nullement extraordinaire que le réformateur n’eût point écrit : le christianisme offre un exemple frappant de cette conduite dans le chef de la religion. Mais il semble encore plus naturel d’écrire. Ainsi agit Mahomet : ainsi agit Zoroastre, si nous nous en rapportons au Zend-Avesta, dont nous avons plus haut démontré l’antiquité. Dès lors il devient nécessaire de n’admettre qu’un personnage, et tout l’édifice de Foucher croule de lui —même comme inutile et vain. En effet, à l’entendre, le premier Zoroastre aurait fondé la religion du magisme, et le second n’en aurait été que le régulateur et le scribe. L’erreur du docte académicien vient de ce que, comme presque tous les savants de l’époque, il se laissait abuser par une équivoque de mots. Zoroastre, disait-on, était le chef du magisme. On entendait par là qu’il en était le fondateur, et une fois cette hypothèse admise, comme des documents ultérieurs prouvaient irréfragablement que la religion des mages était antérieure à l’époque à laquelle on place presque unanimement Zoroastre, on a été obligé d’imaginer un autre prêtre ou prince de ce nom. Tout cet échafaudage devient superflu lorsque l’on songe que Zoroastre n’a jamais été que réformateur d’un système religieux infiniment antérieur. De plus, cette supposition, purement gratuite, laissait les choses absolument dans le même état ; car, avant le règne de Cyaxare Ier, sous qui Foucher fait vivre le premier Zoroastre, les mages existaient et enseignaient une religion analogue à celle qui régna encore quinze siècles en Perse, et dont notre prophète ne prétendit que régulariser les formes en les ramenant à leur pureté primitive. Il ne reste donc à ce système que l’avantage d’expliquer plus aisément que tout autre quelques difficultés chronologiques ; nous y reviendrons. Pour l’instant, remarquons que le but de l’auteur n’est point rempli. Mieux vaudrait avec Zoëga, qui au moins fait preuve de profondeur, identifier le premier Zoroastre avec Hom, premier auteur des formes de ce culte que Zoroastre prétendit réformer et rendre fixe par des livres canoniques. Mais ici la solution en apparence si contraire à ceux qui ne reconnaissent qu’un Zoroastre est tout à fait dans leur sens : car par là même on leur accorde ce point qu’un seul et même Zoroastre vint, n’importe de quelle manière, modifier les croyances et les cérémonies religieuses de l’Iran et consigna ces modifications dans le Zend-Avesta. Qu’une religion primitive,