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la fusion des sectes nombreuses qu’avait enfantées le zoroastrisme. On sait, en effet, que le fondateur de la dynastie sassanide, après avoir soustrait l’empire aux faibles descendants d’Arsace et créé une nouvelle monarchie perse, voulut aussi rendre à la religion de Zoroastre tout l’éclat dont elle avait brillé pendant les siècles qui suivirent sa naissance, et que, regardant un concile général comme le moyen le plus sûr de réconcilier les soixante et dix sectes zoroastriennes, il rassembla autour de lui quatre-vingt mille mages, que des épurations successives réduisirent à sept, et qui enfin convinrent de s’en rapporter à leur jeune collègue Erdaviraph. Ce dernier remplit trois coupes d’un vin soporifique, les but et ensuite tomba dans un sommeil profond pendant lequel il fut transporté dans les cieux et eut une longue conversation avec Ormuzd sur tous les points contestés du Zend-Avesta et du magisme. Réveillé au bout de sept jours, il raconta sa vision, et dès lors toutes ses décisions devinrent la base de la foi des Perses. Or, ne pourrait-on pas soupçonner que le Zend lui-même a été fabriqué par Erdaviraph, afin de mieux assurer sa domination sur les consciences ? Ce soupçon s’évanouira de lui-même si l’on songe que les soixante et dix sectes, unanimes dans l’adoration d’Ormuzd, ne différaient que sur l’interprétation des livres saints, et que, par conséquent, ces livres saints existaient antérieurement aux querelles des sectaires. Mais les livres n’auraient-ils pas été perdus et ensuite remplacés par un ouvrage d’Erdaviraph ? Nous répondons qu’il est impossible que le Zend-Avesta ait été ainsi perdu dans un pays où tout le monde le révérait également, et où sans doute il en existait, comme aujourd’hui, au moins un exemplaire dans chaque atechgâh. Il est vrai qu’une tradition universellement reçue en Asie porte qu’Alexandre, voulant détruire le culte du feu dans la monarchie qu’il venait de conquérir, ordonna de remettre entre ses mains tous les livres de Zoroastre, et qu’effectivement on lui en remit vingt-six. Mais est-il présumable que les mages, si attachés à un culte qui pour eux était la source des honneurs, des richesses et de la puissance, et auquel d’ailleurs ils pouvaient croire, aient livré soit tous les ouvrages, soit tous les exemplaires, sans en réserver quelques-uns, ou, si l’on exigeait que chaque temple en donnât un, sans en faire prendre copie ? Notons aussi que, quelques-uns de ces livres étant devenus le bréviaire des mages, il était facile sans doute à ce corps hiérarchique, en réunissant ses souvenirs à une époque plus heureuse, de retrouver le Zend à peu de choses près dans son état primitif ; et l’on ne peut douter que, si réellement les ouvrages saints ont été livrés au conquérant macédonien, on ne les ait ainsi reconstruits immédiatement après sa mort. Les généraux qui se proposaient le partage de la


vaste succession laissée par ce prince ne s’occupaient sans doute guère de la religion des vaincus ; et dans ce cas même il est impossible d’admettre que, gouvernant alors avec une autorité presque souveraine, chacun dans une province, ils aient tous déployé une égale sévérité contre les possesseurs des livres zends. Serait-ce donc à une époque postérieure, et quand les califes renouvelèrent la prétendue persécution d’Alexandre contre le magisme, que la supposition d’un recueil canonique aurait eu lieu ? Mais, d’abord, comment dans ces temps d’ignorance les faussaires orientaux, encore moins instruits et plus dupes de leur imagination que les Grecs, auraient-ils eu l’art de se conformer si exactement pour l’histoire, la géographie et la religion, aux données de l’antiquité, sans jamais laisser percer l’esprit d’un siècle plus moderne ? Ecoutons ici Anquetil (Journal des savants, ann. 1769) : « Lorsque les chrétiens combattaient la religion des « Perses, et dans le temps où les mahométans, leurs ennemis déclarés, attaquaient leur culte et leur empire, qu’ils les traitaient d’idolâtres sur l’idée générale qu’ils s’étaient formée de leur religion, et que les vrais ouvrages de Zoroastre, monuments de cette religion, étaient répandus en Perse, dans l’empire romain, un imposteur a composé les livres zends qu’il a donnés pour ceux du législateur des Perses. Loin de se rapprocher des ennemis de sa religion, ce faussaire a rassemblé dans son ouvrage exactement ce que les Grecs et les Latins, depuis Hérodote jusqu’à Photius, nous disent des mages, de leurs dogmes, de leurs cérémonies, c’est-à-dire qu’il a écrit ce qui était écrit, connu, ce qui animait les ennemis des Perses contre eux. De plus, il a eu l’attention de ne rapporter, dans vingt et un volumes, aucun trait d’histoire, de ne nommer aucun roi, aucune puissance ennemie, aucun prêtre postérieur à Gustasp et à Zoroastre, ou du moins le hasard a fait disparaître les ouvrages où il en faisait mention. Ce fourbe a choisi, on ne sait pourquoi, une langue morte et entendue pourtant des prêtres perses, qui traduisirent bientôt ses livres en langue vulgaire (en pehlvi). Les sectaires perses, tels que Manès et Mazdek, qui étaient en état de découvrir la fourberie, ne l’ont pas soupçonnée. Les mahométans n’ont pas relevé l’imposture. Les chrétiens, persécutés par les Perses et attentifs sans doute à leur conduite, ne la leur ont pas reprochée. Enfin le faussaire a si bien réussi que ses ouvrages ont passé depuis chez les Perses et chez les mahométans pour les vrais ouvrages de Zoroastre ; et les livres qui avaient perpétué la connaissance de la langue zende, ceux qui, depuis Zoroastre jusqu’aux 3e et 4e siècles, avaient porté le nom de ce législateur, ont été absolument abolis, il n’est pas même resté de traces de leur exis-