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temps un surnom que peu à peu l’on s’habitua à substituer à un nom plus ancien, que, par une raison quelconque, on évitait de prononcer. Au reste, quelle que soit l’hypothèse la plus plausible, toujours est-il que le sens naturellement astronomique du mot Zoroastre ne prouve rien contre l’existence d’un législateur et d’un sage de ce nom. En revanche, il ne prouve rien non plus en sa faveur. Essayons maintenant de sortir de cette indécision et d’atteindre par quelque moyen direct à une espèce de certitude. L’établissement du magisme, même avec les formes dites zoroastriennes, n’est point une démonstration suffisante ; car ce culte peut avoir été fondé par d’autres que par l’homme auquel les fils des mages en font honneur. Mais les livres zends, que lui attribue d’un commun accord l’Asie occidentale, nous mèneront peut-être à une conclusion plus avantageuse. Car, puisque ces livres existent, ils ont été composés par quelqu’un. Or, si originairement ce quelqu’un a seul écrit ou du moins publié ces livres ; s’il a vécu à une époque convenablement reculée, c’est lui que nous appelons Zoroastre. La question ne porte donc plus que sur l’âge ou l’authenticité de ces livres. Notons ici que par livres zends nous n’entendons que ceux dont l’ensemble forme le Zend-Avesta, c’est-à-dire les trois livres du Vendidad-Sadé et le Boundehech ; encore retrancherions-nous volontiers le Boundehech, qui n’existe aujourd’hui qu’en pehlvi, et qui a été si misérablement défiguré. Il ne peut donc être question ni du Sadder ni de cette foule d’opuscules apocryphes dont on gratifie Zoroastre, ni même des célèbres Oracles magiques, malgré toutes les analogies qu’ils présentent avec les doctrines du Zend. Plus bas, nous donnerons la nomenclature de tous ces écrits. Quant au Zend-Avesta, nous commencerons par avouer que nous ne le possédons point tel qu’il est sorti de la main de Zoroastre. D’abord le Boundehech n’est qu’une traduction du Zend en pehlvi, ou plutôt une compilation, rédigée en partie sur les livres sacrés, de fragments empruntés à des auteurs et à des siècles différents. On peut en dire autant des Iechts-Sadés ; et dans le Vendidad-Sadé lui-même, le commencement semble avoir été bouleversé et sans doute mutilé à plaisir ; ce qui est surtout indubitable pour les Izechnés. Mais ni le désordre introduit dans l’économie de ces livres, ni les interpolations ou les retranchements ne démontrent que l’ouvrage entier est apocryphe. Au contraire, toutes les preuves extrinsèques se réunissent en faveur de l’authenticité. Qu’on feuillette les historiens et les philosophes de la Grèce depuis Hérodote, qui esquisse l’histoire des guerres médiques environ quatre cent quatre-vingts ans avant notre ère, jusqu’à Porphyre, Ammien Marcellin et Photius ; partout, dans cet espace de plus de dix siècles, on retrouve les doctrines, les symboles, les idées, la manière du Zend-Avesta. Strabon (Géographie,


liv. 15) parle des Atechgâhs ou Pyrées de la Cappadoce ; et Pausanias décrit avec son soin ordinaire les temples du feu élevés en Lydie. Dans Xénophon (Cyropéd., liv. 8), on voit les mages, comme aujourd’hui les mobeds, chanter un hymne à la divinité au lever de l’aurore ; et Agathias, liv. 2, fait mention de la fête remarquable dans laquelle on tue le serpent et les créatures d’Ahriman. Hom, avec sa double nature et son double caractère ; Hom, tour à tour législateur divin et arbre de vie, se retrouve dans Plutarque, de Iside et Osiride, ainsi que cette lutte si célèbre entre les deux principes, lutte dont s’occupent d’ailleurs Platon, Aristote, Hécatée d’Abdère, et d’autres encore. Le dogme bien plus élevé de Zervane Akerene, principe unique et suprême, base de la dyade militante, générateur et modérateur des puissances qui ont créé et qui gouvernent le monde, se lisait au rapport de Damascius (De principiis, voy. Wolf, Anecdota grœca, t. 3, p. 2591, dans les historiens Hermippe, Eudème et Théopompe, et dans Théodore de Mopsueste, selon Photius. Enfin, il n’est pas jμsqu’aux noms de Sag-Did et d’lecht-Ormuzd qui ne se soient glissée, le premier dans Eusèbe, Prœparar. Evang., liv. 6, p. 277 ; le second dans Minucius Félix, Octav. 26 ; et Ammien Marcellin, liv. 23, parle formellement des communications de Gustasp, qu’il nomme Hystaspe, avec les brahmes de l’Hindoustan. Remarquons en passant que dans cette collection des livres des mages il est souvent question de faits et de personnages historiques, et que cependant jamais on n’y traite d’événements, jamais on n’y nomme de prince ou de héros postérieur au 5e siècle avant J.-C. Les renseignements géographiques sont aussi des preuves irréfragables d’une haute antiquité : car si d’une part on n’y trouve en ce genre rien qui fixe décidément l’époque à laquelle vivait l’auteur du moins est-il évident que les descriptions, ainsi que les noms de lieux, de villes, de provinces, ne peuvent avoir aucun rapport avec la géographie moderne de cette contrée de l’Asie, qui s’étend de l’Euphrate aux bouches du Sindh. En vain l’on s’armerait, pour nous combattre, de la note diplomatique signifiée par Gustasp et son prophète au roi de Touran, et par laquelle ils lui demandent le royaume de Tchin (la Chine). Il est clair qu’ici l’auteur oriental a usé largement, et en poëte qui ne craint point d’être chicané par ses lecteurs, du droit commode d’anachronisme. Son royaume de Tchin peut faire pendant au divan que quelques pages plus haut il donnait à Gustasp. Mais comme ni l’une ni l’autre de ces absurdités ne se trouve enchâssée dans le Zend, quoique plus d’un Guèbre soit de force à les répéter, il est impossible d’infirmer par là aucune des conséquences que nous tirons en faveur du recueil sacré. Vainement aussi on croirait pouvoir tirer un argument de la mesure prise par Artaxare Ier, au commencement de son règne, pour