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sur lui la mort de son aïeul et contraint les troupes de Touran à rentrer dans leur pays. Mais déjà Zoroastre n’est plus au nombre des vivants, et soit qu’il ait péri avec les victimes d’Ardjasp, au sac de Balkh, soit qu’il ait rendu paisiblement le dernier soupir dans son lit, il fait partie des esprits bienheureux qui siégent autour du trône d’Ormuzd. Telle est en substance la relation des seuls ouvrages orientaux que l’on puisse considérer comme retraçant la vie ou une époque de la vie de Zoroastre. On sent que nous avons dû la dégager des nombreuses inutilités et des absurdités dont le poëte n’a pas manqué de la charger. Au reste, il serait encore facile, pourvu que l’on voulût mettre à contribution les autres auteurs asiatiques et les fables des Parsis, d’ajouter aux prodiges qu’ils racontent sur le réformateur chéri de Gustasp. Mais ces historiettes, dont on pourrait remplir des volumes, ne jetteraient aucune lumière sur les points qui seuls peuvent être utiles aux recherches des historiens. On a dû remarquer dans l’analyse que nous venons d’offrir l’absence presque complète de dates et d’indications géographiques, la nullité des renseignements sur les dogmes et la morale de Zoroastre, le défaut de précision de tous les détails, enfin l’audace des exagérations. Comment, après avoir vu quatre-vingt mille brahmes ou chefs indiens se rendre ensemble en Iran pour être témoins d’une controverse religieuse, croire même aux choses vraisemblables certifiées par le même narrateur ? Comment ne pas révoquer en doute jusqu’à la réalité de cette guerre avec le prince de Touran et l’incendie de Balkh ? Essayons cependant de poser, d’après ce récit, les points capitaux de l’histoire contemporaine. Relativement à Zoroastre, des voyages, un long séjour sur des monts solitaires, des miracles à la cour d’un roi puissant, enfin l’établissement ou le rajeunissement du culte d’Ormuzd ; relativement aux faits eux-mêmes ou aux personnages en contact avec le prophète, Gustasp avec Lohrasp, Isfendiar, Bahman, Ardjasp. Tchengrenghatcha, une guerre ou plutôt deux guerres avec le roi de Touran, des expéditions vers l’Inde ou l’Iran oriental, tels sont les faits qui semblent résulter de tout ce qui a été exposé ci-dessus. Sont-ils tous admissibles ? Il est certain que lors même que nous aurions obtenu la réponse à cette question, il en resterait encore bien d’autres à faire. Mais il y en a quelques-unes qui doivent avoir la priorité sur toutes les autres ou qui se mêlent nécessairement avec elles, de telle sorte qu’il est impossible de les examiner isolément. De cette espèce sont celles qui roulent sur la patrie et l’époque de Zoroastre. On conçoit que l’histoire authentique des rois de la haute Asie doit être d’un poids considérable dans l’examen de ce problème. D’autre part, les contradictions ou les incertitudes historiques ne peuvent guère manquer de nous conduire à cette autre ques-


tion : N’y a-t-il eu qu’un Zoroastre, et s’il y en a eu plusieurs, combien y en a-t-il eu ? Question à laquelle s’oppose bientôt celle-ci qui n’est pas moins naturelle : Y a-t-il même eu un Zoroastre, et ne serait-ce point là une conception symbolique ou mystique divinisée dans la suite par la piété des Parsis ? L’origine et étymologie de ce nom célèbre deviennent dès lors un point de recherche important et doivent jeter du jour sur tous ceux qui précèdent. Reprenons à présent ces questions dans l’ordre inverse ; on voit qu’elles sont au nombre de cinq, et qu’elles peuvent être présentées sous la forme suivante : quel est le sens du mot Zoroastre ? Un homme du nom de Zoroastre a-t-il existé ? N’en a-t-il existé qu’un ? Où est-il né ? Quand a-t-il vécu ? La première, quoique simple en apparence, n’est pas exempte de difficultés. En effet, ce qui frappe d’abord dans le nom de Zoroastre, c’est que les éléments de ce mot sont tous d’origine hellénique (1[1]). Mais doit-il être question ici d’étymologie grecque ? Il faudrait pour cela supposer que les Grecs, qui les premiers ont parlé de Zoroastre, ont traduit son nom et lui ont fait subir un changement analogue à celui de Schwartzerdt en Mélanchthon, ou de Wurtwisen en Allassiderox. Or, c’est ce qu’on ne peut croire. Les noms de Zerdoust, Zerdoucht, Zeredoucht, Zaradoucht, répandus encore aujourd’hui en Asie, sont évidemment identiques avec celui de Zoroastre, et démontrent que la forme harmonieuse en usage chez les Grecs n’est qu’une dépravation du mot indigène. Les formes parsis mêmes ne représentent point fidèlement la prononciation antique qui est en pehlvi Zeratocht ou Zerlocht, et en zend Zeratokiro. Nous n’incidenterons pas plus longtemps sur ces modifications dont toutes les langues offrent tant d’exemples, et encore moins sur celles qui tiennent seulement à la déclinaison, et que Hyde (De religions celerum Persarum, p. 313) n’a point distinguées des autres. Mais, parmi les diverses altérations grecques, nous ferons remarquer les formes Zaradas et Zarasdes, qui semblent se référer au parsi, Zabratus ou Zaratus, qui viendrait plutôt du pehlvi, quoique l’on ait contesté l’identité de Zoroastre et de Zaratus. À cette dernière se rapporte aussi le Nazaratus de St-Clément d’Alexandrie. Revenons maintenant au mot Zend. Faut-il, pour en rechercher l’origine, avoir recours à l’hébreu ou

  1. (1) Comme dans une foule de mots composés, on y voit deux radicaux monosyllabique, sor…, de zoros, pur, et Astr… d’Astron, réunis par la voyelle de transition o, qui, dans les règles de la Grèce antique, devrait s’élider devant la voyelle subséquente, mais que la mollesse du dialecte ionien a pu retenir précieusement ; ainsi le nom du célèbre prophète signifierait Astre pur, étoile de pureté. C’est en procédant à peu près de cette manière que les anciens étaient arrivés à traduire ce nom par les mots d’étoile vivante, étoile de vie (voy. Grégoire de Tours, Hist. Francor, et l’auteur des Recognitiones géograph., liv. 4, chap. I). Mais il y avait ici erreur palpable et matérielle. … ou Zôe… seuls désignent un être animé, vivant, et ne pouvant jamais se transformer en ZôrZéro… Si donc on admettait une étymologie grecque, c’est à la première seulement qu’on devrait s’attacher.