ZEN464 |
ZEN |
avec laquelle il avait fait périr ce prince, dont
il était à la fois le gendre et le neveu, et de la
dureté qu’eux-mêmes avaient éprouvée de sa
part comme rebelles. Rhadamiste ne dut son
salut qu’à la vitesse des chevaux sur lesquels ils
se sauvèrent l’un et l’autre. Zénobie était enceinte.
La crainte de l’ennemi et sa tendresse pour son
époux lui firent supporter les premières fatigues
de la route. Bientôt, n’y pouvant plus résister,
elle pria Rhadamiste de la dérober, par une mort
honorable, aux outrages de la captivité. L’époux,
saisi d’admiration pour tant de vertu, mais aussi
tourmenté de la crainte que, s’il la laissait, un
autre ne s’emparât de sa compagne adorée, ne
put contenir sa jalousie, et la frappa de son
cimeterre, puis la traîna vers l’Araxe, ne voulant
pas même que son corps pût être enlevé. De là
il regagna en toute hâte les États de Pharasmane, son père. Zénobie, que le courant avait
amenée doucement sur le bord du fleuve, fut
trouvée par des pâtres, comme elle respirait
encore. Ils pansèrent sa plaie ; et ayant appris
d’elle son nom et sa déplorable aventure, ils la
transportèrent à la ville d’Artaxate, d’où elle fut
conduite à Tiridate, roi d’Arménie, qui l’accueillit
avec bonté, et la traita en reine. Cet événement,
qui est de l’an 53 de J.-C., a fourni le sujet de
la meilleure des tragédies de Crébillon.L—p—e.
ZÉNOBIE (Septimia), reine de Palmyre, gouverna cette ville et la plupart des provinces
orientales de l’empire romain depuis 267, époque
de la mort d’Odenath, son époux, jusqu’à l’an
272, où Aurélien la conduisit captive à Rome
(voy. Odenath). L’intérêt romanesque dont le
caractère de cette femme célèbre fut entouré aux
yeux mêmes de ses contemporains a subjugué
la postérité et jusqu’aux critiques modernes.
« Ceux qui me blâment d’avoir triomphé d’une
femme, écrivait Aurélien aux sénateurs, ne
savent point quelle femme est Zénobie. Si
Odenath a vu fuir Sapor devant lui, s’il a pénétré jusqu’à Ctésiphon, il l’a dû à la prudence
et au courage de son épouse. » Ces éloges des
contemporains ont été surchargés par la rhétorique puérile des écrivains de l’histoire Auguste.
Une femme belle et courageuse, combattant près
de son époux, partageant son temps entre les
leçons de Longin, l’embellissement de Palmyre,
et le gouvernement d’un vaste empire créé par
elle et par Odenath ; quelle heureuse occasion
d’allusions classiques aux Amazones[1], à Sémiramis[2] et à Cléopâtre ! Grâce à cet esprit romanesque, on a expliqué par les grandes qualités
de Zénobie tout ce que les Arabes firent de glorieux trois siècles avant les conquêtes de l’islamisme. Nous ne connaissons guère le génie
arabe que modifié par la religion de Mahomet ;
combien il eût été curieux de l’étudier chez une
tribu commerçante, où il avait éprouvé l’influence de la civilisation grecque ! d’expliquer ce
phénomène singulier de l’existence de Palmyre,
élevant ses portiques corinthiens au milieu d’une
mer de sable, comme Venise au milieu des eaux !
Nous essayerons de rendre, au moins en partie,
à la reine de Palmyre la physionomie originale
que lui ont ôtée les historiens grecs et romains.
Zénobie, fille d’Amrou, fils de Dharb, fils de Hassan, roi arabe, de la partie méridionale de la
Mésopotamie, épousa en secondes noces le célèbre Odenath, chef des tribus du désert voisin de
Palmyre, et l’un des sénateurs de cette ville puissante. Elle partagea les fatigues de son époux
dans ces brillantes expéditions où les Arabes
humilièrent l’orgueil de Sapor, et le poursuivirent jusqu’aux murs de Ctésiphon. Ce courage,
que les Romains nous ont présenté comme un
trait distinctif du caractère de Zénobie, paraît
avoir été commun chez les femmes arabes ; c’était une nécessité de leur vie aventureuse au
milieu du désert. Dans les premières guerres de
l’islamisme, un grand nombre de femmes suivaient leurs pères et leurs époux. Le génie militaire des Arabes annonça sous Odenath l’essor
qu’il devait prendre sous les premiers califes[3].
Ce vaillant chef avait repoussé les invasions des
Perses et des Scythes, et Gallien n’avait pu sauver
l’honneur de l’empire qu’en lui accordant le titre
de général de l’Orient, dont il était déjà le maître.
Il l’avait même reconnu pour Auguste, lorsque Odenath périt dans une fête où il célébrait le
jour de sa naissance, assassiné par un de ses
neveux et par un Méonius qui essaya inutilement de lui succéder. Selon quelques auteurs,
le neveu d’Odenath avait voulu se venger d’un
châtiment que lui avait infligé son oncle pour
avoir dans une chasse frappé avant lui par trois
fois les bêtes qu’ils poursuivaient. Zénobie punit
les meurtriers, mais profita de leur crime et
passa pour leur complice. Outre les deux enfants
qu’elle avait eus d’Odenath (Hérennius et Timolaüs), elle avait de son premier époux un fils
nommé Athénodore ou Ouaballath, dont les intérêts la rendaient ennemie implacable d’un fils de
son époux appelé Ouorodes, l’objet de la prédilection d’Odenath, et qui devait lui succéder.
- ↑ Le même historien qui, bon gré, mal gré, porte au nombre de trente les généraux qui sous Gallien aspirèrent à l’empire, afin de pouvoir les comparer aux trente tyrans d’Athènes, Pollion disons-nous, paraît s’être efforcé d’assimiler la belliqueuse Zénobie aux Amazones de la Fable. La Fable raconte que les Amazones perpétuaient leur république en s’approchant à certaines époques des mêmes hommes avec lesquels elles étaient en guerre le reste du temps. L’historien judicieux, pour donner à son lecteur le plaisir de ce rapprochement, ne manque pas de nous assurer que Zénobie imitait à l’égard de son mari la réserve des Amazones.
- ↑ Gibbon lui-même ne peut s’empêcher de la comparer à Sémiramis, et de rappeler qu’au 18e siècle plusieurs femmes ont aussi soutenu glorieusement le fardeau d’un empire. La manière dont il s’exprime dans une note, au sujet du meurtre d’Odenath, est vraiment singulière lorsqu’on songe au peu de documents que nous avons sur ce point d’histoire : On a jeté des soupçons fort injustes sur Zénobie, comme si elle eût été complice de la mort de son mari. Le philosophe ne ménage-t-il pas ici la Sémiramis du Nord !
- ↑ Odenatus non solum orientem, quem jam in pristinum reformaverat statum, sed ommes omnino totius orbis partes reformasset, vir acer in bello, etc. Treb, Pollio, Triginta tyranni.