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homme qui avait gouverné si saintement Tredrez pendant huit ans, le nomma recteur de Lohanec, l’une des principales cures du diocèse. Yves la régit pendant dix années, au bout desquelles il mourut le dimanche après l’Ascension, l’an 1303, ayant reçu les sacrements de l’Église. Sa mort arriva le 19 mai, qui est aussi le jour où son nom est inscrit au martyrologe romain, et où l’on chôme sa fête dans les diocèses de Bretagne, et autres églises. On célèbre de plus sa translation, le 29 octobre (1)[1]. Les Bretons sollicitèrent vivement sa canonisation. Le duc Jean de Montfort, guéri miraculeusement par l’intercession de saint Yves, fit lui-même le voyage d’Avignon, afin de solliciter cet honneur pour son compatriote. Enfin, Clément VI le canonisa le 19 mai 1347. On a encore le sujet des discours prononcés en cette occasion solennelle. Entre autres le franciscain Jourdain de La Court, évêque de Trivento, dans l’Abruzze, crut avoir fait merveille en prenant pour texte ces paroles de la première épître de saint Pierre : Qu’Héloï (Dieu) soit honoré partout. C’est par erreur de fait qu’il croyait qu’Héloï était le nom du saint prêtre, au lieu d’Hélori ; et encore notons ici que le surnom de saint Yves n’était pas Hélori, mais de Ker-Martin ; et, si nous l’avons nomme Hélori dans cet article, ce n’est que pour nous conformer à l’usage des biographes. Il signait à la vérité Yvo Helorii de Ker-Martin ; mais Helorii n’était ici qu’un hellénisme fréquent, surtout dans la basse latinité, et tenait lieu de filius Helorii. L’université fondée à Nantes, par le pape Pie II, en 1460, l’avait pris pour patron. La confrérie des jurisconsultes de Gand était aussi dévouée à saint Yves, que les légistes de plusieurs provinces ont pris pour patron, plutôt que pour modèle, dit malicieusement, après Fournel, un avocat breton, M. de Kerdanet. Le même observe que l’on ne connaît guère que saint Yves, dans l’ordre des avocats, qui ait obtenu les honneurs de la canonisation (voy.. ROBERT). Enfin, il rapporte, d’après Moréri, que le roi faisait une pension à saint Yves qui avait paru avec éclat au barreau de Paris sous le règne de Philippe-le-Hardi : magister Yvo sex denariis per diem. La vie de saint Yves a été donnée par Pierre de La Haye Kerhingant, Morlaix, 1628, français et breton, séparément ; elle se trouve aussi dans le recueil

(1) C’est aussi le 27 octobre qu’on fait la fête de saint Yves, dans l’ordre de saint François, par décision d’un chapitre général. C’est une question à décider entre les hagiographes, si saint Yves a été du tiers-ordre de saint François. Baillet en rit et semble le nier, s’appuyant sur le P. Papebroch, qui regarde comme incertain qu’Yves ait pris l’habit à Quimper, comme le veulent les Franciscains. Appuyé sur la même autorité du jésuite, Godescard regarde cette agrégation comme douteuse. Oserons-nous dire que nous sommes d’un avis contraire ? Il est vrai que dom Lobineau n’en dit rien : mais est-ce peu que l’autorité des chroniques des frères-mineurs, et la tradition de l’ordre ? D’ailleurs Albert-le-Grand le dit positivement, et fait prendre à saint Yves l’habit, non à Quimper, mais à Guingamp, ville du diocèse de Tréguier, ce qui est plus probable. Les couvents des Cordeliers de Guingamp et de Quimper ont été fondés, le premier l’an 1283, celui de Quimper l’an 1232 ; saint Yves a pu prendre l’habit de tierçaire dans l’un et l’autre. Ou trouve qu’il a prêché à Quimper, et l’on sait que le tiers-ordre fut établi par saint François lui-même.


des Bolandistes, dans Surius, etc. Il existe plusieurs autres biographies de St. Yves ; celle écrite en latin par J. Fronteau, 1647, a été réimprimée en 1720 et en 1733. Citons aussi la Vie de St. Yves par Deloeuvre, Paris, 1699, in-12, et l’Histoire de St. Yves, patron de la Bretagne, par J. Favé, Rennes, 1851, in-8o.

B―D―E.


YVES DE PARIS naquit dans cette ville en 1593, et y fut d’abord avocat. Bientôt dégoûté du monde, il se fit capucin, et ne s’occupa plus pendant tout le reste de sa vie que de jeûnes, d’austérités, de prédications, et de la composition de divers écrits, savoir : 1° La Conduite des religieux. 2° La Théologie naturelle. 3° Les Pratiques de piété, et les Amours divins. 4° les Maximes et morales chrétiennes. 5° Le Gentilhomme chrétien. 6° l’ Agent de Dieu dans le monde. 7° les Fausses opinions et vaines excuses du pécheur. 8° le Magistrat intègre. 9° Heureux succès de la piété et triomphe de la vie religieuse. L’auteur, ayant prodigué dans ce dernier ouvrage des louanges excessives aux religieux de tous les ordres, et ayant traité le clergé séculier avec beaucoup de mépris, fut condamné par le clergé de France ; mais cette censure ne fut point publiée. Cependant Yves la reconnut et donna des éclaircissements qui parurent satisfaire les réclamants. On lui attribue un autre écrit publié sous le voile de l’anonyme, avec ce titre : Astrologiae nova methodus Francisci Allaei, Arabis christiani, Bhedonis (Rennes), 1654-55, trois parties in-fol. Cette édition, imprimée aux frais du marquis d’Asserac, fut brûlée à Nantes par la main du bourreau (Voy. Peignot, Dictionnaire des livres condamnés au feu, t. 2, p. 205). Elle est très-recherchée des curieux ; mais on ne fait aucun cas de la réimpression publiée sous la même date, ni des éditions postérieures, parce qu’on en a retranché les prédictions relatives aux divers états de l’Europe, lesquelles avaient été cause de la condamnation de l’ouvrage (1)[2]. Ce volume est divisé en trois parties : la première, précédée d’une dissertation intitulée Sors auctoris, contient Astrologiae nova methodus 12 pages ; la seconde, Fatum universi observatum, 40 pages ; enfin la troisième, datée de 1655 : In librum de fato universi disceptatio P. Ivonis, 26 pages. De ce que le P. Yves a pris la défense du Factum condamné au feu,

(1) On lit si peu aujourd’hui le volume en question qu’il ne serait peut-être pas hors de propos de signaler quelques unes de ces prédictions. Parmi celles qui se rapportent à l’Angleterre, on trouve, pour l’année 1666, Magna calamitas (l’année du grand incendie de Londres) ; pour l’année 1690, Magna reipublicae turbatio (guerres en Irlande) ; pour l’année 1756, Minatur maximum excidium (déclaration de guerre à la France) ; pour l’année 1881 Maxima adversitas (c’est ce qui reste à voir). Entre autres prédictions concernant la France, et qui sont ajoutées dans quelques exemplaires, nous distinguons pour 1770, Res turbatae et inclinantes ad mutationem familiae (querelles de Louis XV avec tous les parlements), et pour 1860, Maxima felicitas et regni summum propagatio, ce qui concorde assez avec l’annexion de la Savoie et de Nice. On voit que l’ Astrologiae methodus n’est pas dépourvu de l’intérêt qu’excitent les prédictions lorsque le hasard fait concourir la prophétie d’un charlatan avec l’histoire. B―E―T.

  1. (1) C’est aussi le 27 octobre qu’on fait la fête de saint Yves, dans l’ordre de saint François, par décision d’un chapitre général. C’est une question à décider entre les hagiographes, si saint Yves a été du tiers-ordre de saint François. Baillet en rit et semble le nier, s’appuyant sur le P. Papebroch, qui regarde comme incertain qu’Yves ait pris l’habit à Quimper, comme le veulent les Franciscains. Appuyé sur la même autorité du jésuite, Godescard regarde cette agrégation comme douteuse. Oserons-nous dire que nous sommes d’un avis contraire ? Il est vrai que dom Lobineau n’en dit rien : mais est-ce peu que l’autorité des chroniques des frères-mineurs, et la tradition de l’ordre ? D’ailleurs Albert-le-Grand le dit positivement, et fait prendre à saint Yves l’habit, non à Quimper, mais à Guingamp, ville du diocèse de Tréguier, ce qui est plus probable. Les couvents des Cordeliers de Guingamp et de Quimper ont été fondés, le premier l’an 1283, celui de Quimper l’an 1232 ; saint Yves a pu prendre l’habit de tierçaire dans l’un et l’autre. Ou trouve qu’il a prêché à Quimper, et l’on sait que le tiers-ordre fut établi par saint François lui-même.
  2. (1) On lit si peu aujourd’hui le volume en question qu’il ne serait peut-être pas hors de propos de signaler quelques unes de ces prédictions. Parmi celles qui se rapportent à l’Angleterre, on trouve, pour l’année 1666, Magna calamitas (l’année du grand incendie de Londres) ; pour l’année 1690, Magna reipublicae turbatio (guerres en Irlande) ; pour l’année 1756, Minatur maximum excidium (déclaration de guerre à la France) ; pour l’année 1881 Maxima adversitas (c’est ce qui reste à voir). Entre autres prédictions concernant la France, et qui sont ajoutées dans quelques exemplaires, nous distinguons pour 1770, Res turbatae et inclinantes ad mutationem familiae (querelles de Louis XV avec tous les parlements), et pour 1860, Maxima felicitas et regni summum propagatio, ce qui concorde assez avec l’annexion de la Savoie et de Nice. On voit que l’ Astrologiae methodus n’est pas dépourvu de l’intérêt qu’excitent les prédictions lorsque le hasard fait concourir la prophétie d’un charlatan avec l’histoire. B―E―T.