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le bonheur du royaume et la paix de l’Église. La Lettre 202 contient un refus très dur à une demande assez bizarre de deux peaux d’hermines que lui avait adressées le roi Louis-le-Gros. « Il ne sied pas à la majesté royale, repondit le prélat, de demander aux évêques des ornements qui ne servent qu’à la vanité ; et il sied encore moins à un évêque de les donner à un roi. Je n’ai pu lire sans rougir la lettre par laquelle vous me les demandez ; et j’ai eu peine à croire que vous l’ayiez écrite. ...» Les usages du temps, et la situation du clergé de France à cette époque, peuvent seuls faire comprendre un tel langage de la part d’un évêque à son souverain. Les Lettres 233 à 238 contiennent, sur la grande question de l’investiture, des principes sages, éloignés de toute exagération. Yves ne cherchait point à excuser le pape Pascal II qui avait conféré le droit d’investiture à l’empereur Henri V ; mais, ajoutait-il. ce pontife ayant été forcé par la nécessité, il n’appartient qu’à Dieu de le juger. Du reste, il croyait que l’investiture, à laquelle prétendaient les autorités temporelles, était une usurpation sacrilège, mais qu’il fallait la tolérer quand il y avait à craindre de plus grands maux. Dans plusieurs autres lettres, Yves répond à des cas de conscience qui lui ont été proposés. Il jouissait d’une telle considération dans l’Église de France et au dehors, que les évêques et les ecclésiastiques le consultaient de toutes parts. Les réponses qu’il donnait prouvent sa sagesse et l’étendue de ses connaissances. 4° Vingt-quatre Sermons sur les principaux mystères de la foi, sur les grandes fêtes de l’Église, sur l’Oraison dominicale, sur le Symbole des apôtres et sur les autres objets de la religion. Ils avaient d’abord paru à Cologne, 1568 ; à Rome, 1591, in-fol., et dans la Bibl. Patr., Paris, 1647. 5° Micrologue ou observations sur les rites et offices ecclésiastiques, parut à Paris, en 1510, in-4o., et 1527, in-24 ; à Rome, 1590 ; à Anvers, 1565, in-8o., à Cologne, l558 ; dans la Bibl. Patr. ; enfin dans l’édition générale du P. Fronteau. On peut diviser le Micrologue en deux parties : la première concerne la célébration de la messe, et la seconde les différentes pratiques de l’Église romaine à l’époque où vivait saint Yves. Il ne se contente point d’y rapporter la liturgie et la lettre des cérémonies, pratiquées dans la célébration des offices divins ; il en donne encore des raisons mystiques, qui en général sont très-solides. Il avait puisé dans les livres liturgiques, écrits par saint Grégoire, par Amalaire et par d’autres anciens. Il cite à la vérité les fausses décrétales, soit dans le Micrologue, soit dans ses Lettres, soit dans son Décret, soit dans sa Pannormie ; mais il fonde surtout ses décisions sur l’Écriture sainte, sur les canons des conciles, sur les témoignages des Pères, et sur les lois civiles. Les questions de morale, de droit et de discipline, y sont toujours sagement résolues. Yves s’y montre aussi savant canoniste que profond

YVE

théologien, mêlant dans ses décisions la douceur à la sévérité, et laissant à ceux qui le consultaient liberté entière de préférer leur sentiment au sien. Ayant écrit à Aldebert, évêque du Mans, une lettre qui pouvait offenser ce prélat, il lui en adressa depuis plusieurs autres qui sont pleines d’affection, d’estime et de respect, cherchant ainsi à effacer les premières impressions qu’il pouvait avoir produites. Quelques-unes de ses lettres sont adressées aux évêques d’Angleterre, et l’on voit qu’outre-mer on avait pour lui la même considération qu’en France. Dans ses écrits, Varillas cite souvent Yves de Chartres ; c’est ce qui a donne lieu au volume publié sous ce titre : Esprit d’Yves de Chartres, Paris, Anisson, 1701, in-12, devenu rare, et qui a été attribué à Lenobie, mais que Barbier a restitué à Varillas. Les citations de ce livre éclaircissenl beaucoup de faits importants. On peut encore consulter sur saint Yves : 1° l’article qui lui a été consacré par D. Cellier dans son Histoire des auteurs sacrés ; 2°. l' Histoire Littéraire de France par les bénédictins, tome 10, page 102, et tome 11, page 257 ; 3°. Les Bollandistes, tome 15, page 247 ; 4° et l' Histoire de St. Yves, par M. Jean Favé, Rennes, 1851, in-8o.

G—Y et H—N.


YVES-HÉLORI (Saint), patron des gens de loi, né le 17 octobre 1253, au manoir de Ker-Martin, sur la paroisse de Menehi, lorsque Jean Ier, dit le Roux, était duc de Bretagne, sortait d’une famille noble et distinguée du diocèse de Tréguier. Le chevalier Tanoic ou Tancrède, son aïeul, s’était acquis beaucoup de réputation dans les armes. Son père se nommait Heelor ou Helori, d’où il est appelé lui-même Yves-Hélori, et sa mère Azo du Kenquis (en français Duplessis). Il étudia la grammaire dans son pays, et son premier maître fut un prêtre vénérable qui lui inspira le goût de la piété, en même temps qu’il le forma aux sciences. Le jeune Yves répondit à ces soins, et s’il s’avança dans les lettres, il fit des progrès encore plus rapides dans la sagesse et la piété. Envoyé à Paris dès l’âge de 14 ans, il y passa dix ans pour faire un cours de philosophie et de théologie, et un autre de droit civil et canonique. Voulant se perfectionner dans le droit, il alla à Orléans, et il y étudia les Décrétales sous Guillaume de Blaye, depuis évêque d’Angoulême, et les Institutes sous Pierre de la Chapelle, depuis évêque de Toulouse et cardinal. A Orléans, comme à Paris, la vie d’Yves-Hélori fut celle d’un anachorète austère, plutôt que d’un étudiant distingué par son rang, ses richesses et ses succès. Ses jours étaient partagés entre l’étude et les exercices de piété ; et comme ils ne suffisaient pas à l’une et à l’autre, Yves y consacrait aussi une partie des nuits ; le sommeil qu’il s’accordait, il le prenait sur la terre couverte d’un peu de paille. Il s’interdisait l’usage du vin et de la viande, et les pauvres, déjà l’objet de sa prédilection, recevaient le fruit de ses épargnes. Il était difficile