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séparait la nef d’avec le chœur : ce jubé, dans lequel fut depuis élevé le trône où Henri IV, rayonnant de gloire, apparut au peuple chartrain lorsqu’il reçut l’onction sainte en 1594, fut détruit en 1763, pour faire place à de nouvelles décorations. C’est sous le même épiscopat, vers l’an 1080, que l’église de Chartres fut ornée du magnifique portique méridional qui fait encore aujourd’hui l’admiration des artistes et des antiquaires, et que l’on doit à la générosité de Jean Cormier, dit le Sourd, médecin du roi Henri Ier et l’un, des plus savants hommes qui aient pris naissance dans la ville de Chartres. Le pape Pie V permit aux chanoines réguliers de l’église de Latran de célébrer, le 20 mai, la fête de saint Yves, Sa vie, écrite par le P. Fronteau, génovéfain, parut à la tête de ses Œuvres, Paris, 1647. Elle a été réimprimée à Hambourg, 1720, et à Vérone, 1733. On remarque, dans la collection des Œuvres de saint Yves : 1° Le Décret ou Recueil de règles ecclésiastiques qui y tient la première place. Avant lui, Isidore de Séville et Burchard de Worms avaient fait une collection de canons et d’épîtres décrétales (Voy. BURCHARD) ; mais ils avaient oublié d’extraire les passages qui ont rapport à l’Eucharistie. Ce mystère ayant été vivement attaqué par Bérenger, dans le siècle ou vivait Yves, ce prélat ajouta à son Décret l’indication des lieux qui servent à établir la présence réelle. Son décret est divisé en dix-sept parties. Dans la seconde, il traite fort au long du sacrement de l’autel, de la sainte communion, de la célébration de la messe ; d’où il passe aux autres sacrements. Dans la cinquième partie, il établit la primauté de l’Église romaine et les droits des métropolitains et des évêques. Ce décret parut d’abord à Louvain, 1561, in-fol. On allait en donner une autre édition ; le P. Fronteau, qui l’arrêta, revit le texte sur d’excellents manuscrits des abbayes de Saint Victor et de Saint-Germain, d’après lesquels fut publiée, avec des notes savantes, l’édition indiquée ci-dessus ('voy. sur cette édition l’article SOUCHET. 2° La Pannormie (1)[1], qui est une collection de canons et de décrets divisée en huit parties, et qu’Yves semble avoir composée avant son grand Recueil, parut d’abord à Paris, en 1499, in-4o. ; et à Louvain, en 1557, in-8o. 3° Les Lettres d’Yves, au nombre de deux cent quatre-vingt-huit, imprimées d’abord à Paris, 1585, in-4o., et 1610, in-8o., forment le second tome des OEuvres publiées par le P. Fronteau. Duchesne a inséré, dans ses Historiens de France, celles qui, au nombre de cinquante-cinq, ont rapport à l’histoire de France (2)[2]. Les autres

(1) Baillet dit que Pannormia est un mot hybride. Il pense que l’auteur aurait miepx fait de mettre Pannomia, du moins le P. Possevin pense qu’il faut lire ainsi. Alors il viendrait évidemment de Παν et de Νομος, et ce qu’il contient justifie cette étymologie. Mais ne peut-on pas dire que le mot Pannormia est formé du mot grec Παν et du mot latin Norma ? Les exemples de ces sortes de compositions ne sont pas rares, et le sens est le même. B—D—E.

(2) La cinquième qui est adressée à Adèle, comtesse de Chartres, femme puissante et impérieuse, avait longtemps présenté des incertitudes : saint Yves y reproche avec beaucoup de prudence et de modération à cette princesse la protection qu’elle accordait à Adalais sa cousine germaine, qui vivait en adultère avec Guillaume. Quel était ce comte Guillaume ? saint Yves ne le désigne pas, et les commentateurs de ses oeuvres n’avaient pu le découvrir ; mais D. Brial l’a entrepris dans ses Recherches historiques pour parvenir à l’intelligence de la cinquième lettre d’Yves de Chartres, insérées au tom. 3, pag. 56-71 de l’Hist. et Mém. de l’institut royal, classe d’hist. et littér. anc., et il ne doute pas que ce ne soit Guillaume de Breteuil. H-N.

sont également précieuses, parce qu’elles servent à éclaircir notre histoire ecclésiastique. Quelques unes concernent le mariage de Philippe avec Bertrade. Elles sont adressées au roi lui-même et à tous les évêques que le prince avait invités à ses noces. Yves ayant été jeté en prison, ses diocésains voulaient se soulever et attaquer Hugues, vicomte de Chartres, qui avait fait l’arrestation par ordre du roi : le prélat les conjura de rester en paix, étant bien résolu de mourir en prison plutôt que d’être la cause de quelque trouble. Le pape Urbain II ayant fait aux évêques de France de vifs reproches, sur ce qu’ils abandonnaient ce généreux pontife, Yves, à qui le paquet fut adressé, le retint, craignant que son contenu n’occasionnât quelque soulèvement dans le royaume. Par la Lettre 28, il répond au roi Philippe, qui lui avait enjoint de venir le trouver ou à Chaumont ou à Pontoise, avec les troupes qui formaient le contingent de l’évêché de Chartres. Le saint évêque prie le prince de lui permettre de ne pas obéir : « Je ne pourrais, lui dit-il, me dispenser de vous parler de ce mariage que vous avez contracté avec Bertrade, que vous gardez, malgré la défense du pape ; je ne serais point en sûreté dans votre cour, où j’aurais pour ennemi un sexe qui ne sait point pardonner, même à ses amis. » La Lettre 189 est une circulaire relative au sacre de Louis-le-Gros. Yves y avance que l’on avait eu raison de sacrer roi celui à qui le royaume appartenait par droit d’hérédité, et qui depuis longtemps avait été unanimement élu par les évêques et par les grands du royaume ; qu’aucune loi ne fixait à Reims le sacre de nos rois ; que, sous la première race, les enfants de Clotaire Ier n’avaient reçu ni bénédiction ni couronne de l’archevêque de Reims ; que, sous la seconde dynastie, Louis, fils de Louis-le-Bègue, avait été couronné à l’abbaye de Ferrières ; qu’Eudes avait été sacré par Gauthier, archevêque de Sens Raoul à Soissons, et Louis d’Outre mer à Laon ; que, sous la troisième race, Robert avait été sacré à Orléans, et Hugues (1)[3], son fils, à Compiègne ; que, quand même l’église de Reims aurait eu, d’après un privilège particulier, le droit de sacrer nos princes, cela n’aurait pu avoir lieu dans les circonstances présentes, l’archevêque n’étant point intronisé, et un interdit ayant été jeté sur la ville ; qu’enfin le sacre de Louis ne pouvait se différer sans compromettre

(1) Ce prince, couronné en 1017, à Compiègne, mourut avant le roi Robert, son père ; son frère Henri fut sacré à Reims. G―V.


  1. (1) Baillet dit que Pannormia est un mot hybride. Il pense que l’auteur aurait miepx fait de mettre Pannomia, du moins le P. Possevin pense qu’il faut lire ainsi. Alors il viendrait évidemment de Παν et de Νομος, et ce qu’il contient justifie cette étymologie. Mais ne peut-on pas dire que le mot Pannormia est formé du mot grec Παν et du mot latin Norma ? Les exemples de ces sortes de compositions ne sont pas rares, et le sens est le même. B—D—E.
  2. (2) La cinquième qui est adressée à Adèle, comtesse de Chartres, femme puissante et impérieuse, avait longtemps présenté des incertitudes : saint Yves y reproche avec beaucoup de prudence et de modération à cette princesse la protection qu’elle accordait à Adalais sa cousine germaine, qui vivait en adultère avec Guillaume. Quel était ce comte Guillaume ? saint Yves ne le désigne pas, et les commentateurs de ses oeuvres n’avaient pu le découvrir ; mais D. Brial l’a entrepris dans ses Recherches historiques pour parvenir à l’intelligence de la cinquième lettre d’Yves de Chartres, insérées au tom. 3, pag. 56-71 de l’Hist. et Mém. de l’institut royal, classe d’hist. et littér. anc., et il ne doute pas que ce ne soit Guillaume de Breteuil. H-N.
  3. (1) Ce prince, couronné en 1017, à Compiègne, mourut avant le roi Robert, son père ; son frère Henri fut sacré à Reims. G―V.