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YVE

titre de l’Arthur Young français, décerné à Yvart par des juges compétents, démontre eu quelle estime on tient les recherches de ce laborieux écrivain, qui, dans ses patientes observations, eut toujours en vue le bien public. Voy. sur Yvart une notice lue à la société d’agriculture, le 29 avril l832, par le baron Sylvestre.

Z.


YVER (Jacques), sieur de Plaisance, gentilhomme poitevin, naquit à Niort en 1520. Piqué du reproche que les Italiens faisaient aux Français de n’être que de serviles imitateurs dans leurs ouvrages, il publia, en 1572, un roman intitulé le Printemps d’Yver, qui contient cinq histoires discourues par cinq journées, en une noble compagnie au château du Printemps. Le livre est dedié aux belles et vertueuses demoiselles de France, en faveur desquelles, ayant la main trop faible pour tenir la plume de cygne, il prit la plume d’un passereau. On y trouve une imagination assez vive, des situations intéressantes, de l’aisance et de la facilité dans le style, et un ton de conversation bien soutenu. Les vers qui suivent ce roman n’ont pas le même mérite. Le Printemps fut bien accueilli du public ; c’est ce que démontrent les éditions qui se succédèrent en 1574, 1575, 1582, 1588, 1599 et 1618. Devenus rares, ces divers volumes sont recherchés des bibliophiles. Une analyse de ces nouvelles se trouve dans la Bibliothèque des romans, 1786, t. 2. et elles ont été réimprimées dans les Vieux conteurs français, 1834, grand in-8o. Yver se proposait de publier d’autres ouvrages, lorsque la mort le surprit à la fleur de l’âge.

T—D.


YVERNOIS. Voyez IVERNOIS.


YVES (Saint), évêque de Chartres, naquit dans le Beauvoisis, de parents nobles, et reçut ses premières leçons à l’abbaye du Bec, sous le fameux Lanfranc. Il avait déjà acquis une grande considération en 1078, puisque, à cette époque, ce fut par ses avis que Guy, évêque de Beauvais, fit bâtir, dans un faubourg de cette ville, un monastère destiné à former une communauté de chanoines qui, par la régularité de leur conduite, rappelassent toute la discipline de la primitive église. Le jeune Yves avait observé que la plupart des chanoines s’étaient beaucoup relâchés dans leurs mœurs ; et, lorsqu’il eut réussi à communiquer ses projets à son évêque, il se décida à embrasser la vie religieuse, et fut lui-même un des fondateurs et des premiers modèles de cette abbaye de Saint-Quentin de Beauvais, si célèbre par la sévérité de la discipline et la régularité des mœurs. Il lui donna la plus grande partie de son patrimoine, pour augmenter sa dotation, et il y enseigna les sciences humaines et sacrées ; enfin pendant quatorze ans il gouverna cette maison avec tant de succès, que l’on venait de tous côtés lui demander des conseils et des disciples pour fonder de nouveaux chapitres, ou pour réformer les anciens (1)[1]. C’est de là qu’il fut tiré, en 1091, pour être élevé sur le siège épiscopal de Chartres. Le clergé et les fidèles l’avaient unanimement élu : le pape avait consenti à son élévation, et le roi Philippe lui avait donné le bâton pastoral eu signe d’investiture. Cependant l’archevêque de Sens ayant refusé de le sacrer, Yves se rendit à Rome, avec les députés de Chartres, et le pape Urbain II le sacra évêque. L’archevêque, irrité y assembla un concile à Etampes ; Yves, accusé d’avoir offensé le roi en s’adressant au pape, et d’avoir violé les droits de l’Église gallicane, fut déposé, et son prédécesseur rétabli. Urbain II annula la procédure, confirma Yves dans la possession de son siège, et interdit l’usage du pallium à l’archevêque. L’évêque de Chartres jouit ainsi paisiblement de la dignité épiscopale, et ses vertus autant que ses lumières l’eurent bientôt réconcilié avec ceux qui s’étaient laisse entraîner à des préventions contre lui. Mais de nouvelles tribulations l’attendaient : le roi Philippe, voulant répudier la reine Berthe, de laquelle il avait deux enfants, et épouser Bertrade, troisième femme du comte d’Anjou, demanda l’avis des évêques. Yves, invité à la conférence dans laquelle on devait délibérer sur une question si délicate, détourna courageusement le roi, et refusa d’aller à Paris, où les noces illégitimes devaient cire célébrées. Philippe, entraîné par sa passion, épousa Bertrade, fit mettre Yves en prison, et piller les terres de son église. Le pape, instruit de ce qui se passait, écrivit aux évêques de France. Yves, qui craignait que ces lettres n’occasionnassent des mouvements séditieux contre Philippe, empêcha qu’elles ne fussent publiées ; et la ville de Chartres se disposant à prendre les armes, pour délivrer son évêque, il s’y opposa, ne voulant point devoir sa délivrance à de pareils moyens. Le roi, afin de faire approuver son mariage, avait convoqué un concile à Reims, pour le 18 septembre 1094 ; Yves, sachant bien qu’il ne pourrait parler librement, refusa de s’y rendre. Cependant il assista, en 1095, au concile de Clermont, que le pape Urbain II présida, et se trouva encore, en 1104, à celui de Beaugency, qui fut présidé par un légat apostolique,

(1) Cette maison de Saint-Quentin envoya diverses colonies, sur la demande des évêques, fonder de semblables établissements de la vie commune, et voilà pourquoi Yves est regardé comme un des plus illustres réformateurs de l’ordre canonique ; mais mérite-t-il le titre de restaurateur des chanoines réguliers de Saint-Augustin ? Vincent de Beauvais, Onuphre, saint Antonin et autres, le lui donnent ; Thomassin le lui refuse. Au lecteur curieux d’étudier ce point remarquable de la vie d’Yves, nous indiquons spécialement le chapitre quatorze du second tome de l’ Histoire des ordres monastiques d’Hélyot. Tous prétendent qu’Yves fut le premier abbé de Saint-Quentin ; il faut donc, ou qu’il ait pris l’habit ailleurs, ou que ce couvent ait été formé d’une association nouvelle, et alors on pourrait conclure que l’abbaye de Saint-Quentin était chef-lieu de congrégation. Néanmoins Godescard dit qu’Yves y prit d’abord l’habit, et n’en devint supérieur que quelque temps après. Pendant qu’il y demeurait il enseigna publiquement la théologie et expliqua l’Ecriture sainte ; de là lui est venu le titre de maître et de docteur. De cette école sortirent de savants sujets qui remplirent même des sièges épiscopaux. Il paraît que ce fut dès ce temps qu’Yves commença à publier divers écrits remarquables par l’érudition, et qui étendirent au loin sa réputation. B—D―E.


  1. (1) Cette maison de Saint-Quentin envoya diverses colonies, sur la demande des évêques, fonder de semblables établissements de la vie commune, et voilà pourquoi Yves est regardé comme un des plus illustres réformateurs de l’ordre canonique ; mais mérite-t-il le titre de restaurateur des chanoines réguliers de Saint-Augustin ? Vincent de Beauvais, Onuphre, saint Antonin et autres, le lui donnent ; Thomassin le lui refuse. Au lecteur curieux d’étudier ce point remarquable de la vie d’Yves, nous indiquons spécialement le chapitre quatorze du second tome de l’ Histoire des ordres monastiques d’Hélyot. Tous prétendent qu’Yves fut le premier abbé de Saint-Quentin ; il faut donc, ou qu’il ait pris l’habit ailleurs, ou que ce couvent ait été formé d’une association nouvelle, et alors on pourrait conclure que l’abbaye de Saint-Quentin était chef-lieu de congrégation. Néanmoins Godescard dit qu’Yves y prit d’abord l’habit, et n’en devint supérieur que quelque temps après. Pendant qu’il y demeurait il enseigna publiquement la théologie et expliqua l’Ecriture sainte ; de là lui est venu le titre de maître et de docteur. De cette école sortirent de savants sujets qui remplirent même des sièges épiscopaux. Il paraît que ce fut dès ce temps qu’Yves commença à publier divers écrits remarquables par l’érudition, et qui étendirent au loin sa réputation. B—D―E.