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et suiv.), Guilbert[1] ajoute : « On ne saurait plaider avec plus d’esprit, de raison et de philosophie la cause de la religion et des mœurs. » L’abbé Yart eut pour amis les hommes les plus distingués de sa province, tels que Fontenelle, l’abbé du Resnel, Cideville, etc. Il mourut au Saussay, en 1791, dans un âge avancé. Il avait exercé quelque temps les fonctions de censeur royal. Comme poëte, il a réussi surtout dans la fable et dans l’épigramme ; sa fable du Chat et la Souris, imprimée dans divers recueils, est un petit chef-d’œuvre. Parmi ses épigrammes on cite celle qu’il fit sur l’Histoire secrète de Dubois, et sur le Paradis perdu de madame du Boccage. On a rapporté la première à l’art. Serviez. La seconde n’est pas moins piquante :

Sur cet écrit, charmante du Boccage,
Veux-tu savoir quel est mon sentiment!
Je compte pour perdus, on lisant ton ouvrage,
Le Paradis, mon temps, ta peine et mon argent.

On trouvera la liste des différents opuscules de l’abbé Yart, avec l’extrait de son éloge par Haillet de Couronne, dans le Précis des travaux de l’académie de Rouen, t. 5, p. 331-334. Outre des odes, des épîtres, un éloge de Marc-Aurèle, des remarques sur Perse et Juvénal, etc., on citera de lui des Observations sur le sentiment et l’intérêt qui doivent entrer dans les tragédies, Mercure, décembre 1742 ; — sur la comédie, ibid., mai 1743 ; — sur le Huetiana, mars 1744 — sur l’usage de la critique, septembre, même année.

W-s.


YASKA, auteur hindou, auquel sont attribués deux ouvrages : le Nighantou et le Niroukta, fort célèbres dans la littérature védique. Ou ignore l’époque où a vécu Yâska, comme on l’ignore pour la plupart des personnages brahmaniques, quelle que soit d’ailleurs leur importance. Mais en étudiant les ouvrages de Yâska et le système grammatical qu’ils supposent, on arrive à croire qu’il doit être antérieur au fameux grammairien Pànini, c’est-à-dire qu’il doit avoir vécu quatre ou cinq siècles avant l’ère chré tienne. Il descendait, à ce qu’on croit, de Pinga, ancêtre d’une des principales gotras ou familles des Brahmanes, et il passe pour avoir transmis la Taittirtya Samhitâ du Yadjour véda-noir àTittiri. dont elle a reçu le nom. On le regarde aussi comme l’auteur d’un traité de métrique ; mais cette dernière hypothèse ne s’appuie que sur quelques citations douteuses de divers commentateurs assez récents. M. Rudolph Roth a donné, eu 1847, les deux ouvrages sanskrits de Yâska, qu’il a tirés de nombreux manuscrits ; il ne les a pas traduits ; mais il les a éclaircis par un assez long commentaire. M. R. Roth a divisé l’œuvre totale de Yàska en trois parties. La première comprend le Naighantouka-Kandam. c’est-à-dire des listes de mots rangés par ordre de synonymie, tous empruntés au Véda ; la deuxième renferme, sous le nom de Naigama, les six premiers livres du commentaire de Yàslia sur ces listes de synonymes ; et la troisième, appelée Daivata, contient les six derniers livres. C’est en tout douze livres. Enfin un appendice. sous le nom de Parisishtham, donne encore deux autres lectures sur la théorie de l’accent en sansltrít. M. R. Roth n’a pas commenté ces deux dernières lectures, qu’il. n’admet pas pour authentiques. Elles manquent dans plusieurs manuscrits ; mais elles sont données aussi dans d’autres. Il est assez probable que la première de ces trois parties, le Nighantou, n’appartient pas en propre à Yâslia, et qu’il a lui-même reçu ce vocabulaire de ses prédécesseurs. L’exégèse védique s’était divisée de bonne heure en un grand nombre de branches, et la synonymie en était une. Le Naighantoukaltandam, ou le vocabulaire des mots rangés par ordre de signification, se compose lui-même de cinq chapitres ou lectures. Il commence par les noms de la terre, au nombre de vingt-et-un, énumérés pêle-mêle, et il finit par ceux de quelques dieux, au nombre de trente et un. À la suite de chacune de ces nomenclatures. le Nighautou a le soin d’indiquer précisément le chiffre des mots qui entrent dans chaque classe. Ces recueils d’expressions obscures ou peu usitées sont d’un très-grand intérêt pour l’explication du Véda où elles sont employées. Après cette première partie viennent les deux autres, que l’on comprend plus spécialement sous la dénomination de Niroultta, ou étymologie, et qui paraissent l’œuvre personnelle de Yàska. L’auteur y expose d’abord quelques principes généraux de grammaire qui méritent la plus grande attention, et ensuite il traite de l’objet et de l’utilité de l’exégèse sacrée, de la composition du Nighautou en particulier, et du sens de chacun des mots qui le forment. Les citations de passages du Véda abondent dans le Niroukta ; et à cet égard, comme à bien d’autres, c’est un monument du plus haut prix, puisqu’il remonte à une aussi haute antiquité. Quelque savant que soit le commentaire de M. R. Roth, il est à regretter qu’il ne l’ait pas accompagné d’une traduction ; c’est un soin que quelque indianiste prendra probablement plus tard, et dans le mouvement d’études dont la grammaire védique est le sujet, ce serait un grand secours qu’une traduction fidèle de l’œuvre de Yãska. Cette œuvre en effet répond à une époque de transition fort curieuse, où déjà le Véda n’est plus très-bien compris par les plus instruits des Brahmanes, et où l’on a besoin de l’appui de lexiques explicatifs pour percer les obscurités du livre saint. En même temps, la grammaire scientifique n’est pas encore formée, comme elle le sera plus tard de toutes pièces dans les admirables

  1. L’ouvrage de V. Guilbert est intitulé Mémoires biographiques et littéraires sur les hommes qui se sont fait remarquer dans la département de la Seine-Inférieure, Paris, 1812, 2 vol. in-8°.