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des ouvrages non approuvés par la censure. Le publiciste prussien Dohm accuse Wœllner d’avoir dirigé un parti qui déjà, du vivant de Frédéric II, s’occupait à détruire son système de gouvernement ; c’est à cette haine pour Frédéric que Dohm attribue la démarche qu’avait faite Wœllner pour se mettre en possession des manuscrits du feu roi. Profitant de son ascendant à la cour, celui-ci demanda ces manuscrits au roi régnant, et les obtint sans peine. Il les vendit au libraire Voss et a l’imprimeur Decker, en chargeant l’académicien de Moulines des soins d’éditeur. Dohm prétend qu’on laissa subsister à dessein, dans les œuvres posthumes de Frédéric II, les personnalités et les expressions offensantes, afin d’augmenter le nombre de ses ennemis ; mais il y avait probablement en cela plus de paresse que d’intention. Le fait est que ni Wœllner, ni de Moulines ne se donnèrent la moindre peine pour classer, mettre en ordre et préparer pour le public la masse de papiers qu’ils avaient en leur possession. Les liasses furent remises à l’imprimeur telles qu’on les avait trouvées, sans qu’on s’inquiétât même si les pièces se suivaient. Il en résulta la collection la plus désordonnée qu’on eût jamais vue. Aussi Jean de Müller observe qu’il est permis de douter si c’est un être raisonnable ou le hasard qui a présidé à cette édition. Cependant on avait déjà imprimé quinze volumes quand Wœllner et de Moulines, trouvant, dans le restant des papiers, des passages trop irréligieux et dont la publication ne s’accordait guère avec le fameux édit de religion, nl avec les ordonnances sur la censure, voulurent s’arrêter ; mais les libraires insistèrent pour l’impression de tous les papiers sans distinction, attendu qu’ils avaient acheté le tout à deniers comptant. Wœllner y consentit sous la condition que l’on publiât les six volumes restants avec le titre de Supplément aux œuvres posthumes, et en désignant pour le lieu de l’impression Cologne à la place de Berlin. Moyennant cet expédient tout fut imprimé dans le même désordre que les quinze volumes précédents. Il vint pourtant à Wœllner encore quelques scrupules après l’impression. On supprima les passages trop choquants, et l’on fit des cartons. Dohm assure qu’il s’est répandu néanmoins dans le public beaucoup d’exemplaires qui n’ont point ces cartons. Les manuscrits devaient être restitués à la bibliothèque royale ; Wœllner n’en fit rien ; ce ne fut que longtemps après qu’on les réclama auprès du libraire ; et, sans les vérifier, on les cacheta et on les déposa aux archives. Pendant que les intrigues dominaient a la cour, et que le roi était livré à ses maîtresses, la guerre de la révolution éclate ; Hertzberg cessa de diriger la diplomatie de la Prusse, qui devint dès lors vacillante ; ce règne, peu glorieux. fut enfin terminé en 1797. Le nouveau roi, dès son avènement, mit fin à quelques-uns des nombreux abus soufferts par son prédécesseur. Le fameux édit de religion fut révoqué ; l’examen des candidats de théologie fut enlevé à l’indigne commission à laquelle Wœllner l’avait confié. On attendait avec impatience que cet homme, généralement haï, se retirât. Ayant recommandé par une circulaire aux chefs du clergé de veiller sur les opinions religieuses de leurs subordonnés, il fut vivement réprimandé par le roi ; et, comme il ne s’éloigna point à la suite de cette scène humiliante, il fut enfin congédié le 11 mars 1798, à la grande satisfaction des Prussiens. Ses créatures eurent le même sort. Il restait à Wœllner une fortune considérable ; il se retira dans une de ses terres à Grossriez, auprès de Beeskow, où il ne survécut que deux ans à sa disgrâce ; il mourut le 11 septembre 1800. Son éloge a été prononcé en janvier 1802, par Teller, à l’académie des sciences de Berlin. Meusel donne la liste des ouvrages de Wœllner. On remarque dans ce nombre une traduction avec notes des Principes d’agriculture de Home, et plusieurs sermons. On a imprimé aussi de lui, mais seulement pour les adeptes, les discours qu’il avait prononcés dans les réunions des rose-croix. Nicolaï a donné des détails curieux sur la part que Wœllner a prise aux opérations secrètes de cet ordre ; on peut les lire dans les volumes 56 et 68 de la Nouvelle bibliothèque d’Allemagne.D—g.

WOEPCKE (François). orientaliste et mathématicien allemand, naquit le 6 mai 1826. Son père, d’abord directeur des postes à Wittemberg, s’était retiré à Dessau, et c’est au gymnase de cette ville que le jeune Woepcke fit ses premières études. Il s’y fit remarquer, et, dès l’âge de dix-sept ans, il se trouva en état de suivre les cours de l’université de Berlin. Il s’y appliqua de préférence à l’étude des mathématiques et des sciences qui s’y rattachent. Il prit ensuite ses grades, resta encore quelque temps dans la capitale de la Prusse, et, le 1er mars 1848, il la quitta pour se rendre à Bonn, dans l’intention d’étudier l’arabe sous un maître renommé en cette partie, le docteur Freytag. Il ne songeait pas pour cela à renoncer aux mathématiques, pour lesquelles il avait annoncé tout d’abord le goût le plus vif ; mais ce qui l’attirait le plus dans ce domaine, c’était l’histoire même de la science. Il voulait la suivre à ses phases les plus intéressantes, et il savait que pour la bien posséder il importait de remonter à son berceau, d’interroger les sources orientales et surtout d’explorer en cette matière les travaux des Arabes. Il séjourna donc à Bonn pendant deux ans, s’y fit recevoir professeur particulier universitaire ; puis il prit un congé et vint à Paris pour y rechercher et étudier les manuscrits arabes. Il arriva dans cette capitale au mois d’avril 1850, et ce qu’il eut de plus pressé, ce ne fut pas d’en explorer les merveilles d’art ou